Le Dandy des gadoues à la Galerie de Noisy-le-Sec

Par Sylvie Fontaine18 novembre 2019In Articles, Ile de France, 2019

 

La Galerie, Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec, fête ses 20 ans et clôture cette année avec l’exposition collective « Le Dandy des gadoues » conçue par son nouveau directeur Marc Bembekoff. Neuf artistes et un collectif sont invités à jouer avec l’architecture néo-classique de cette villa construite pour un notaire au XIXe siècle. Cet édifice, surnommé « le château » par les habitants de Noisy, ayant survécu aux bombardements pendant la Seconde Guerre Mondiale, a été racheté par la ville en 1913 et transformé tour à tour en hôpital militaire, bibliothèque, musée de la préhistoire avant de devenir centre d’art en 1999.

 

Pour son directeur, l’histoire du lieu, son architecture et l’agencement intérieur, étaient un parfait écrin pour camper Alexandre, le personnage romanesque du récit de Michel Tournier « Les Météores ». Ce dandy, en charge des grandes déchetteries, y déclarait « …je préfère toujours les imitations aux originaux… ». Joli préambule pour soulever la question récurrente depuis de nombreuses années, du principe de la copie, du détournement ou encore du pastiche, aussi bien dans l’architecture que dans les œuvres proposées par les artistes invités. La mission leur a été confiée de domestiquer ce lieu chargé d’histoire, de le « décorer » en mettant l’accent sur « une dégénérescence des formes issues de la culture populaire parfois teintées de kitsch* ».

 

Dès le hall d’entrée, le ton est donné avec le rideau pop et coloré de Florent Dubois où motifs floraux et picturaux cohabitent avec des icônes cartoonesques. Un jardin d’hiver, très en vogue au XIXe siècle, s’offre au regard du visiteur avec ses palmiers de couleur noire, qui évoquent une certaine nostalgie des paradis exotiques, images-clichés retrouvées sur les cartes postales. Sébatien Gouju réalise ces pièces en cuir lors de sa résidence dans une ganterie de la Maison Hermès. Les murs sont tapissés par Sara Cwynar d’un papier peint aux images stéréotypées, reproduisant les icônes véhiculées par l’histoire de l’art et la publicité.

Pénétrant dans le petit salon, nous nous trouvons face à une composition abstraite de Nevin Aladag, où sont juxtaposées des découpes de tapis aux différentes origines, confrontant ainsi art oriental et occidental dans une réminiscence des formes canoniques de l’abstraction au cours du 20e siècle. Les céramiques de Florent Dubois, dans un style rococo assumé, viennent scander l’espace comme des ponctuations, tels des totems raffistolés issus de la culture populaire.

Dans la salle de billard, le tapis de Cayetano Ferrer aux riches motifs géométriques et décoratifs, récupéré au Caesar Palace – pastiche architectural d’un goût douteux situé à Las Vegas –, fait écho au plafond à caisson. Mais quelque chose cloche… Il faut alors y déambuler afin de se rendre compte que la lecture en est troublée par la présence de « rustines » dessinées maladroitement, qui ont été insérées en surépaisseur. Les assemblages de Hippolyte Hentgen, des dessins et collages rehaussés à la gouache, constituent une sorte de cadavre exquis et mettent en exergue un glissement de sens avec pour point de départ l’idée du décor et du pastiche.

Dans le grand salon domine le superbe tableau de Nina Childress, renvoyant à une composition classique, bien que réalisée d’après une capture d’écran d’une archive datée de 1978. Entre bien-peint et mal-fait, deux jeunes individus sont représentés allongés dans un espace étrange : situation troublante et ambiguë pour ce portrait au style maîtrisé mais légèrement trash. Nicolas H. Muller, dans un questionnement sur la circulation des images et l’appropriation, agrandit en noir et blanc des reproductions d’un tableau de Picabia, que lui-même avait réalisé d’après des images publiées dans des revues érotiques des années 40.

Le voyage se termine au sous-sol dans les cuisines de la villa où le collectif Southway Studio propose une exposition dans l’exposition, évoquant l’antre du Dandy, sa part d‘ombre et de sacré, au travers d’œuvres prônant un retour au vernaculaire et au « fait main » par plusieurs artistes.

 

Cette villa, habitée par les esprits du lieu, nous livre une histoire, avec une ironie certaine et beaucoup de poésie, où les indices parsemés permettent à chacun de laisser libre cours à son imaginaire.

*selon Marc Bembekoff

 

Sylvie Fontaine


INFOS PRATIQUES

La Galerie, Centre d’art contemporain

1 rue Jean Jaurès, Noisy-le-Sec

Jusqu’au 14 décembre

Programme de performances pour la fête anniversaire le 14 décembre