La vie des tables  

 

Le confinement a obligé la plupart des lieux d’exposition à revoir leur programmation. C’est aussi le cas du CREDAC à Ivry qui a dû reporter une rétrospective de Derek Jarman à l’année prochaine et trouver une solution de rechange. Mission accomplie avec l’exposition La vie des tables qui, même si elle a été conçue dans l’urgence, est des plus pertinentes.

Claire Le Restif, la directrice du CREDAC, a de la suite dans les idées. Ses expositions sont pour la plupart le fruit d’un long échange avec les artistes, souvent sur plusieurs années. L’idée de La vie des tables n’est pas non plus le fruit du hasard, mais la concrétisation d’un projet qui était depuis longtemps dans « ses cartons ». Il est fondé sur des textes de Lucy R. Lippard, historienne de l’art et curatrice américaine, féministe et activiste, qui avait fait le constat que beaucoup d’artistes, notamment les femmes, ne bénéficient pas d’espaces nécessaires à leur création et sont contraints à travailler dans des espaces domestiques, sur une table de bureau ou de cuisine.

Le parallèle avec la situation du confinement est évident. De là est né ce projet d’exposition qui est en premier lieu un projet de résistance et d’attention portée aux pratiques artistiques intimes et domestiques. Les mois de repli sur soi ont conduit un certain nombre de créateurs à retrouver des gestes modestes et bricolés, pour d’autres, ils n’ont pas vraiment changé leurs conditions de travail, mais tous ont subi l’isolement forcé. Pour Claire Le Restif, il était d’une importance vitale de les en sortir en leur offrant un espace pour dévoiler des faces souvent cachées de leur processus de création. Avec son équipe, ils ont invité plusieurs dizaines d’artistes (dont la moitié a déjà exposé au CREDAC) à envoyer des propositions d’œuvres, réalisées pendant la période de confinement ou avant, ou en réponse à cette invitation, spontanées, modestes, construites ou sophistiquées.

Qui peut résister à une telle offre de carte blanche ? 49 artistes ont répondu à l’appel, faisant confiance au CREDAC pour la mise en espace et « à table ». Les tables ont été glanées dans des entrepôts Emmaüs : des tables de cuisine, de travail, en formica, en bois, en contreplaqué, en inox, carrées, rectangulaires ou rondes. Chacune s’accorde parfaitement avec l’œuvre qu’elle supporte. Dans les trois espaces de l’exposition, elles forment des archipels dont chaque îlot est singulier mais cohabite par l’esprit de partage et d’expérience commune. L’exposition est un exemple parfait de la raison d’être d’un centre d’art : être proche des artistes et du public, créer des liens, être solidaire, accepter la spontanéité tout en gardant l’exigence d’un travail curatorial réfléchi.

 


Infos pratiques:

La vie des tables

Exposition collective avec 49 artistes

En partenariat avec le Festival d’Automne

Jusqu’au 13 décembre

LE CREDAC

1, place Pierre Gosnat, Ivry-sur-Seine

3 Place Jean-Grandel, Gennevilliers