La fin est dans le commencement et cependant on continue

 

 

Un titre énigmatique (extrait de Samuel Beckett) pour une exposition dont le concept est au contraire transparent : elle nous offre des espaces à vivre, à vivre notre corps, à expérimenter nos sens. Ouïe, goût, vue, odorat, toucher, complétés par le mouvement et la vulnérabilité sont présentés dans des espaces circulaires, chacun étant un monde, avec son esthétique et sa couleur.

Excepté la première, toutes les œuvres ont été produites à la Fondation, grâce au programme des Ateliers du faire.

Notre cheminement commence par les sons : confortablement installés, casque sur les oreilles, nous voyageons parmi musiques, bruits divers, paroles en plusieurs langues, jeux de mots, voix… autant de sons différents qui s’harmonisent finalement dans cette installation Protokolle im Sand de l’artiste suisse Reto Pulfer. La pièce noire et vide – à part l’estrade éclairée qui nous attire et nous invite à nous installer – permet de se concentrer sur le seul sens de l’ouïe. Œuvre de la collection du FRAC Limoges.

Autre cocon plongé dans l’obscurité : une robe noire, des chaussures en verre blanc, des bobines de fil. Antichambre de la pièce suivante, dans laquelle on est plongé dans la lumière et le blanc.

Mouvement – du corps et de la machine comme son prolongement : l’oeuvre de Jeanne Vicérial Athanor, comme lieu central de la création, mêle les genres. Le corps est au centre de l’oeuvre en train de se faire et de l’espace d’exposition. Un robot « tricotisse » une robe sur le squelette/machine d’un mannequin ; il dessine lentement le tissu du vêtement comme il le ferait de tissus corporels : fibres musculaires, nerfs, tendons… Un robot presque humanoïde, qui apporte à l’installation une certaine étrangeté.

Le fil, d’un noir brillant profond, est mis en mouvement par Julia Cima lors de rituels dansés dont le titre : Ceci est notre corps évoque une possible élévation vers une forme de spiritualité.

Changement de décor avec Vegetasia : l’intime des plantes.

La couleur verte s’associe à la vulnérabilité mise en scène ici par une exposition botanico-artistique. Dans ce laboratoire, diverses plantes montrent leur adaptation à certaines conditions : réactions à la lumière, au toucher, résistance à la gravité, évapotranspiration, carnivorisme. D’où vient cette idée que les plantes seraient des êtres fondamentalement passifs et immobiles ? On les voit ici se relever lorsqu’elles sont plantées tête en bas, ou s’enrouler au support pour grimper vers la lumière, fermer leurs feuilles au moindre contact, inventer d’autres façons de se nourrir…

Marc Jeanson, botaniste, a fait appel à l’horticulteur de « Secrets de Jardin », Jean-Luc Liénard, et aux designers de l’Atelier Marietalexandre pour présenter ces plantes dans des créations en verre et en céramique imprimées en 3D (fragiles elles aussi).

La vue – ou voir ce qui n’existe pas. Lux ephemera nous le prouve : notre cerveau est capable de créer des images.

Odile Soudant est designer lumière. Dans cette installation, elle nous plonge d’abord dans une lumière éblouissante, puis dans le noir complet. Résultat : notre cerveau crée des images lumineuses appelées « phosphènes ». Dans le dernier espace, nous pouvons confronter notre phosphène à ceux projetés, qui font l’objet d’une oeuvre d’art numérique : Non Fongible Token.

Diplômée en parfumerie, Julie C. Fortier explore l’odorat et le goût.

Eau succulente associe des aliments à des parfums. L’artiste nous propose de mêler les deux sens : goûter en sentant, sentir en goûtant pour une nouvelle sensation, inédite.

Dans l’espace suivant nous attend un vaste tapis (fait main) : Que salive l’horizon. En s’y allongeant, on découvre des odeurs, en même temps que les formes sinuantes, les reliefs et les couleurs du tapis, et, cachées dans les plis, les sculptures de verre telles des perles précieuses.

Puis on entre dans le rouge de Intrarubeus Rhizosphere, une vaste installation figurant branches et racines d’un arbre hypothétique (ou un réseau veineux ?). Imposant, superbe, il est pourtant en papier, et sa force est celle d’un géant abattu, mais qui continuerait à s’étendre dans toutes les directions. Des vidéos cachées dans les terminaisons de l’arbre complètent la sculpture, dans le même esprit.

Dans la dernière salle, l’artiste, Rachel Marks revient à la verticale avec une barre de pole dance à laquelle s’accrochent d’autres branches rouges, et sur laquelle, à l’aide d’une vidéo, elle fait évoluer une danseuse.

On sait que le cerveau a besoin de toutes les couleurs. Concentrez votre regard sur du rouge, puis fermez les yeux : une tache verte se formera sur vos paupières fermées. C’est ainsi que le regard du visiteur est happé par les arbres du jardin, derrière les portes-fenêtres, mettant en relation la nature et l’artefact.

La fondation Martell a vu le jour en 2016. Les Ateliers du faire accueillent des créateurs en résidence, conjointement avec des artisans, (bois, céramique, verre, mais aussi papier, tissu, danse, musique, écriture…), dans un esprit d’écoconception. Les expositions présentées par la fondation sont issues de ces travaux.

 


INFOS :

 

La fin est dans le commencement et cependant on continue

Jusqu’ au 6 novembre 2022

Fondation d’entreprise Martell

16 avenue Paul-Firino Martell, Cognac