LA BEAUTÉ DES LIGNES À LA MAISON CAILLEBOTTE

Par Sylvie Fontaine15 octobre 2018In Articles, 2018, Revue #20

Afin de prolonger l’esprit de la famille Caillebotte, la ferme Ornée de la propriété éponyme située à Yerres, accueille cet automne, en résonnance avec le salon Paris Photo, une des plus importantes collections privées d’œuvres photographiques. L’exposition « la beauté des lignes », conçue et présentée initialement au musée de l’Elysée de Lausanne, offre un regard sur l’histoire de la photographie des XXe et XXIe siècles avec 123 pièces choisies minutieusement parmi les 1500 de la collection de Sondra Gilman et Celso Gonzales-Falla réunies pendant 40 ans à New York. En 1970, Sondra découvre Eugène Atget lors de son exposition au MoMA et c’est une véritable révélation. Elle achète alors trois de ses photographies, présentes aujourd’hui en introduction de l’exposition à Yerres, et convainc le conservateur de l’époque, John Szarkowski, de l’initier à ce nouveau medium. Elle se consacre depuis lors à l’acquisition de clichés, tout d’abord pour le compte de l’entreprise familiale Gilman Paper Company  puis pour son compte personnel avec son mari selon des critères très précis dont le principal est l’émotion ressentie. « Je me laisse guider par mon cœur, même si par la suite j’attache une extrême importance à acquérir le meilleur tirage d’époque » avoue-t-elle avec un sourire malicieux. Et cela peut prendre 20 ans comme pour « Unmade bed » d’Imogen Cuningham… C’est au travers du prisme de la ligne, récurrente dans les pièces de la collection, que les commissaires ont choisi de proposer ce voyage onirique à travers le temps. Les photographes ont de tout temps oscillé entre illusion mimétique et qualité plastique et le spectateur, fasciné par le sujet la lumière et les détails, ne perçoit pas toujours la force expressive de la ligne droite ou courbe, contrôlée ou spontanée.

Dans le but de confronter ces chefs d’œuvre sur une base formelle, la sélection se présente en trois chapitres: la ligne droite, la ligne courbe, l’abstraction. Si le cadrage serré des lignes verticales des immeubles de New York intensifie la force des clichés de Berenice Abbott, la ligne d’horizon entre ciel et mer chez Sugimoto nous invite à un sentiment d’éternité. Dans une critique du monde industriel, Burtynsky dénonce l’impact écologique de l’homme sur la planète avec une forêt d’échafaudages en bambou et Lewis Hine met en exergue les conditions de travail des ouvriers avec un homme perché à une hauteur vertigineuse sur une poutrelle métallique. Pour les photographes humanistes, Nan Goldin ou Lisette Model, même si le cliché est pris sur le vif, la composition n’est pas laissée au hasard ; même constat avec le jeu de regards chez Robert Doisneau.

Les lignes courbes dessinent le corps du danseur Bill T Jones de Mapplethorpe ou encore les plis des nuques chez Levinstein. Blossfeldt offre une lecture merveilleuse de la richesse de la nature avec ses photographies des formes végétales. Dans un hommage vibrant, Vik Muniz recrée la spirale de Smithson vouée à disparaitre, avec la poussière de son atelier.

Dans le chapitre de l’abstraction, la référence au réel se perd afin de mettre en avant la force visuelle de l’image. Siskind, Soth et Rossiter parmi tant d’autres proposent un langage formel et poétique.

« J’aimerais déclencher chez les visiteurs le même sentiment que j’ai ressenti devant les pièces d’Eugène Atget » conclut Sondra.

 

Par Sylvie Fontaine


Infos :

Maison Caillebotte, Ferme Ornée

10 rue de Concy, Yerres

jusqu’au 2 décembre