Keren Detton, directrice du Frac Grand Large - Hauts-de-France
Riche actualité pour le Frac Grand Large qui fête ses 40 ans autour d’une exposition anniversaire, aux côtés de 3 partenaires dunkerquois, et accueille la 7ème édition de la triennale De leur Temps dans un commissariat de Keren Detton et Michel Poitevin (ADIAF), avec une exposition réunissant plus de 120 œuvres issues d’une soixantaine de collections privées. L’occasion de lever le voile sur les choix et l’intimité de collectionneurs, les mécanismes sous-jacents du désir et du regard, les subjectivités, filiations et échos du monde. De plus, à partir de juin 2023, le Frac lance avec le LAAC la 2ème édition de la Triennale Art & Industrie sur le thème des énergies. Elle s’inscrit dans le cadre d’un partenariat national – avec le Centre Pompidou et le Centre national des arts plastiques – et territorial auprès de nombreuses structures culturelles, sociales, éducatives.
Keren Detton revient sur ces différents projets qui placent le Frac résolument au cœur des enjeux sociaux-économiques actuels dans un rayonnement local, régional et international.
Marie de la Fresnaye : Quelle a été la genèse de la 7ème édition de « De leur Temps » ?
Keren Detton : De leur Temps a été initié en 2004 par l’ADIAF dans le but de présenter les acquisitions récentes de collectionneurs privés. C’est à l’occasion de cette 7ème édition, que Michel Poitevin m’a proposé d’accueillir à Dunkerque l’exposition-triennale. Je le connaissais en tant que président des Amis du Frac Nord – Pas de Calais à l’époque, Grand Large aujourd’hui. Il se trouve que notre association d’amis du Frac est, de nouveau, très active. Dès lors je trouvais intéressant de faire connaitre les collections privées et de s’inscrire dans une filiation entre l’ancien et le nouveau président du Frac en invitant aussi quelques collectionneurs installés dans la région à prendre part à cette exposition.
M.D.F. Quel paysage se dessine de ce panorama de 111 artistes ou collectifs ?
K.D. L’enjeu de cette exposition est de mettre en avant tout d’abord des œuvres et non des portraits de collectionneurs. A partir de ces œuvres, nous avons cherché à dégager certaines pistes thématiques qui invitent à les regarder. J’ai vu beaucoup d’œuvres en deux dimensions et notamment des peintures, ce qui m’a particulièrement intéressée. Dès lors j’ai souhaité mettre l’accent sur la peinture et le dessin mais pas de manière exclusive. Ce prisme pictural offre une grande variété et diversité de techniques, langages, de l’abstrait à l’urbain, de l’expressionnisme au conceptuel. D’autres mediums sont également présents : vidéo, céramique, photographie, tissage… Tout au long du parcours, 16 thématiques viennent ponctuer la visite et élargir les pistes d’interprétation, parmi lesquels : « Paysages d’ailleurs. », « Des visages, des images », « Les anges de l’histoire », « Le cabinet d’Eros » ou encore « Art du détournement ». À travers l’ensemble de ces thèmes nous revenons en permanence sur la question du collectionneur et un certain nombre de déclencheurs : qu’est-ce que collectionner ? avec quels moyens et quelles finalités ? quelle intimité se noue avec l’œuvre ?
M.D.F Quels facteurs vous permettent d’engager une 2ème édition de la Triennale Art & industrie ?
K.D. La première édition, Gigantisme, a permis de poser les jalons de cette Triennale en s’appuyant sur la complémentarité de deux institutions muséales à Dunkerque : le FRAC et le LAAC. Elles portent ensemble la manifestation qui se décline sous la forme d’une exposition à Dunkerque, d’un parcours d’œuvres dans l’espace public et de résonances qui mettent en avant un écosystème effervescent d’écoles d’art, de galeries et d’acteurs régionaux intéressés par la question que pose cette relation entre art et industrie, son histoire et ses évolutions.
Cette Triennale d’art contemporain a pour particularité de mettre en dialogue les collections publiques d’art contemporain et le monde économique et industriel à travers de nouvelles productions portées par un mécénat d’entreprise dynamique. La réception des publics autour de la première édition, Gigantisme, a été enthousiaste et nous a permis d’obtenir la confiance des différents partenaires, publics comme privés. Cette deuxième édition poursuit les partenariats déjà engagés, en particulier avec le Centre national des arts plastiques (Cnap), et initie une collaboration inédite avec le Musée national d’art Moderne – Centre Pompidou.
M.D.F Qui sont les commissaires invitées ?
Cette année la Triennale Art & Industrie a invité deux commissaires : Anna Colin et Camille Richert, assistées par Henriette Gillerot. Anna Colin est commissaire mais aussi pédagogue et chercheuse. Elle ancre ses projets dans l’écosystème qui les accueille autour des différents partenaires impliqués. Camille Richert est historienne de l’art et a orienté ses recherches doctorales autour des représentations du travail dans l’art contemporain.
Elles ont donné pour titre à cette édition Chaleur humaine. Consciences énergétiques. Leur ligne curatoriale consiste, ici, à observer ce que les défis énergétiques apparus depuis la fin des Trente Glorieuses ont fait à l’art, au design et à l’architecture, et réciproquement, ce que ces pratiques ont apporté aux discours, représentations et enjeux énergétiques et écologiques planétaires.
Au travers de propositions pluridisciplinaires variées, les publics pourront découvrir des propositions portant sur l’excès de consommation d’énergie, l’accès aux ressources naturelles, les problématiques de durabilité et de responsabilité environnementale, de même que les transformations des paysages et le rapport de l’humanité au sensible et au visible ou encore sur les circulations de données et de flux d’énergie.
M.D.F. Quels sont les temps forts de la programmation sur le territoire ?
K.D. Notre volonté est d’associer un grand nombre de partenaires en résonance. L’idée est de créer une émulation dans toute la région autour de ce thème de l’énergie. Il y a, par exemple, les écoles d’art de Cambrai, Valenciennes, Dunkerque et Tourcoing qui associent leur programme de recherche à la Triennale. L’École supérieure d’art Dunkerque-Tourcoing prévoit ainsi le lancement de sa nouvelle revue La Mire. Les autres partenaires sont des lieux d’exposition, des cinémas d’art et essai, des universités, des résidences, des lieux ressource comme les bibliothèques ou les archives. Nous avons aussi collaboré avec différents partenaires européens et transfrontaliers avec lesquels nous avions déjà des habitudes de travail. La Triennale n’est donc pas un événement en plus mais bien un projet qui s’inscrit dans des dynamiques en cours.
M.D.F. Qu’en est-il de l’exposition des 40 ans du Frac Horizon(s) ?
Cette exposition rassemble des œuvres acquises par le Frac depuis ses débuts, le premier comité d’acquisition ayant eu lieu en 1983. C’est une carte blanche donnée à l’équipe du Frac. Elle vient célébrer un certain état d’esprit autour de projets partagés ou co-construits. L’équipe du Frac a ainsi invité trois de nos partenaires dunkerquois, qui célèbrent aussi leur anniversaire : le LAAC, le Musée du Dessin et de l’Estampe originale de Gravelines et le Musée portuaire. Chacun d’entre eux a contribué par le prêt d’une œuvre autour de ce thème commun : l’horizon. Plusieurs artistes exposés ont été en résidence à Dunkerque et se sont inspirés de cette situation géographique littorale. À travers toute la richesse du fonds du Frac Grand Large, Horizon(s) évoque aussi la question du point de vue : Qu’est-ce que l’on regarde ? Où l’on se situe ? Qu’est-ce qui fait que notre point de vue sur le monde change et évolue dans le temps ? Aujourd’hui notre vision est devenue plus surplombante avec les possibilités technologiques et satellitaires, mais pendant longtemps elle se tenait au sol ou sur les flots, ce qui bouscule notre perception du temps et de l’espace. Ainsi, ce thème très fédérateur dit notre engagement à vouloir croiser des regards et nos manières de voir.
Infos pratiques :
FRAC Grand Large
503 Av. des Bancs de Flandres, Dunkerque
Jusqu’au 23 avril 2023
Horizon(s), l’exposition des 40 ans
De leur temps (7). Un regard sur des collections privées, en partenariat avec l’ADIAF (Association pour la diffusion internationale de l’art français)
A partir du 10 juin 2023
Triennale Art & Industrie –Chaleur humaine. Consciences énergétiques.