KADIST – Au service d’un art engagé

 

Organisation à but non lucratif créée en 2001 et sous l’égide d’un fonds de dotation depuis 2019, KADIST envisage la culture comme témoin de transformations sociales soutenant un art contemporain engagé et décentralisé. L’une des autres spécificités de KADIST, dont elle est fière, c’est que ses deux lieux permanents, à Paris et à San Francisco, sont de véritables lieux de vie. Aujourd’hui, KADIST est devenu une grande famille artistique, multiculturelle et translocale.

 

Au départ, Vincent Worms et Sandra Terdjman initient dans les années 2000 une collection avec des artistes européens, moyen-orientaux et américains. Celle-ci s’enrichit progressivement de pièces d’artistes sud-américains, asiatiques et africains et s’intéresse à tous les médiums – peinture, photo, installations et performances –. Un comité d’acquisition, composé de professionnels à travers le monde, permet de repérer les meilleurs artistes émergents dans leur domaine et d’acheter une centaine d’œuvres chaque année. Aujourd’hui, la collection contient plus de 1600 œuvres d’artistes de plus de 120 nationalités.

Les artistes sont bien le socle de la politique très innovante de cette structure atypique d’art contemporain, enrichie par l’apport de la culture philanthropique ancrée dans la tradition de la famille Worms. Dans cet esprit, KADIST répond aux forces sociales et politiques urgentes de notre temps et facilite de nouveaux échanges entre les cultures à travers des expositions, des résidences, des évènements et des programmes éducatifs. Ils sont le fruit de collaborations avec des artistes, des commissaires d’exposition et des institutions artistiques sur les cinq continents et affirment ainsi que certaines des voix artistiques les plus importantes se trouvent au-delà de nos propres localités. Plus récemment KADIST a développé des expositions en ligne et une plateforme de ressources KADIST Video Library (KVL) : une plateforme de streaming conçue pour faciliter l’accès gratuit aux œuvres vidéo d’artistes représentés dans la collection via https:/kadist.org/kvl/.

Émilie Villez, la directrice de l’espace parisien et Martina Sabbadini, responsable de la collection et de la communication nous rappellent que, depuis son ouverture en 2006 et sa rénovation en 2019 en collaboration avec l’architecte Nina Safainia, Paris s’inscrit totalement dans la philosophie générale de KADIST. C’est un lieu de résidence pour les artistes, commissaires d’exposition et critiques étrangers d’une durée de trois à six mois se finalisant avec une exposition, la production de nouvelles œuvres, des conférences et des workshops. Pour les artistes – une de leurs œuvres doit faire partie de la collection – c’est une véritable mise en réseau, un accompagnement dans la rencontre de professionnels de l’art contemporain.

Nous avons évoqué ensemble l’une des dernières expositions Pink as a Cabbage/ Green as an onion/ Blue as an orange, de l’artiste Asli Cavusoglu en janvier dernier à KADIST Paris et qui sera présentée cette année à EK BIC YE IC à Istanbul, une entreprise sociale qui gère des fermes urbaines, des restaurants et des ateliers éducatifs en Turquie. L’œuvre présentée à Paris prenait la forme d’une installation composée de quinze tissus de différentes tailles, aux textures et rythmes visuels variés dont les couleurs sourdes rappelaient celles de la terre. L’accrochage évoquait les boutiques d’un bazar et instaurait un lieu d’échange entre les visiteurs et les œuvres. Un exemple de mise en espace très percutant de la démarche si particulière de KADIST s’intéressant à tous les lieux de résistance et à des systèmes de valeur qu’il est important de placer au cœur des politiques aujourd’hui.

La prochaine exposition devrait ouvrir dès la fin du confinement et se prolonger tout l’été : Not Fully Human, Not Human at All, sous le commissariat de Nataša Petrešin-Bachelez, avec les artistes Saddie Choua, Valentina Desideri, Denise Ferreira da Silva, Arely Amaut, Nilbar Güres, Ibro Hasanović, Doruntina Kastrati, Olivier Marboeuf, Daniela Ortiz, Lala Raščić, Kengné Téguia.

Cette proposition s’intéresse à la déshumanisation qui se produit en Europe, un processus généralement entendu comme la dégradation de la vie humaine exercée par des humains sur d’autres humains. En Europe, plusieurs occurrences politiques et sociales ont conduit à des politiques migratoires plus strictes, à de nouvelles formes de nationalisme, à des restrictions sur l’accès à la santé, à la dégradation des droits des travailleur·euses·s étranger·e·s et à la réévaluation de la définition culturelle et géographique de l’Europe.

Le titre Not Fully Human, Not Human at All, fait également référence à l’essai de Donna Haraway, Ecce Homo, « Ne suis-je pas une femme ?» et autres inapproprié/es : de l’humain dans un paysage post-humaniste. Un texte qui remet en cause les revendications universelles de l’humanisme des Lumières pour proposer les modalités de ce qu’elle nomme une humanité collective.

Ces deux exemples expliquent encore mieux les spécificités de KADIST dans la sphère de l’art contemporain : une organisation flexible, évolutive et responsable, capable de répondre aux enjeux de notre époque tout en gardant une qualité exceptionnelle pour les œuvres qu’elle présente.


INFOS

Kadist

21 Rue des Trois Frères, Paris 18e