Julie Legrand : éloge de la vitalité

 

Issue de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Cergy-Pontoise, après des études de philosophie et de lettres, Julie Legrand s’est formée aux diverses techniques du verre, et a collaboré notamment avec le Centre International d’Art Verrier de Meisenthal. Elle a enchaîné ces dernières années un mastère pro en création et technologies contemporaines à l’Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle Saint-Sabin à Paris, ainsi qu’une formation en tournage sur bois et vannerie. C’est dire que ses recherches conceptuelles s’accompagnent d’une volonté de maîtrise de la matière.

J’ai rencontré le travail de Julie Legrand à Montreuil, aux Instants Chavirés, à l’époque où l’on y présentait encore de l’art contemporain. J’ai tout de suite été séduite… par un mur de briques ! De briques, non ! mais il a fallu que je passe devant plusieurs fois avant de découvrir cette oeuvre : ce que j’avais pris pour des briques, c’était des éponges, et ce mur n’en était pas un !

Roger-Pol Droit dit que l’étonnement est la base de la philosophie ; j’ajouterais qu’il l’est aussi au domaine de l’art. Puisque l’une comme l’autre sont des incitations à penser le monde, et à le penser différemment.

Un mur surgit là où il y avait un passage, des coulures de verre sortent d’une prise électrique ou des anfractuosités du béton, de curieux vers verts s’échappent d’une pierre de lave. Tout pore semble recéler de monstrueuses créatures, tandis que des taches apparaissent au plafond, lui-même soutenu par des colonnes de vases tout à fait baroques… Produits d’une éruption, des ruissellements de fils à coudre s’étalent en flaques de sang polychrome.

Depuis quelques années, Julie Legrand travaille le verre, en transmutant, toujours, le minéral en matière vivante, dans une alchimie complexe et décomplexée.

Et quand je l’ai arraché c’est toute la vie qui est venue avec

Cette phrase est emblématique de son oeuvre, puisque, écrite en verre filé, elle évoque parfaitement l’énergie vitale qui en fait le socle. Cette énergie est partout présente, dans le travail même, qui requiert, en fonction de la technique choisie, de la force, du souffle, en même temps que de la minutie.

Souvent en lien avec l’espace d’exposition, parfois in situ, le travail de Julie Legrand peut aller jusqu’à la création d’une pièce intitulée Bulles spéculatives dans un contexte bancaire. D’autres bulles, cette fois, champignonnesques, Jeunes pousses, ont pris place parmi les herbes d’un jardin, alors que d’autres encore, Chemical Fruits, jaillissent du cadre… répondant aux bulles de savon qui sortent des caniveaux.

Il y a de l’irruption dans ce travail, de la singularité, de l’étrange, de l’invasion, de la prolifération… tout le bouillonnement de la pulsion de vie, qui sourd, parfois jusqu’à l’oppression, de la matière et de sa mémoire. Et beaucoup d’humour !

 


INFOS:

La chair et l’esprit, exposition personnelle in cycle Eat Art

Chapelle sainte Radegonde, Chinon

rue du coteau sainte Radegonde

jusqu’au 15 septembre

 

A l’ombre d’Eros, exposition collective

Monastère royal de Brou, Bourg-en-Bresse

du 19 juin au 4 janvier 2016

 

C’est extra ! Les 5 ans de la galerie nomade Céline Moine,

exposition collective

Agence Extra

5 rue Vauban, Lyon