Julie Le Toquin, une biographie chevillée au corps
A cheval entre les arts plastiques et la performance, la pratique de Julie Le Toquin, 24 ans, diplômée des Beaux-Arts de Lorient, tourne autour de la perte et de la survivance, où l’intime s’est invité malgré lui. A la mort de ses parents quand elle est jeune adolescente, surgit une question : « Qui d’autre que moi peut être dépositaire de mon histoire désormais ? ». Sans pathos, et non dotée d’humour, toute sa démarche tend à chercher/trouver des réponses. Par l’écriture d’abord, compulsive, rituelle, qu’elle décline dans le journal intime, premier territoire de conversation avec soi et de conservation de sa mémoire (son 1er commencé à 9 ans), auquel s’ajoutent en abondance des cahiers de recherche, des carnets de bord d’une spectatrice, des systèmes d’archivage variés et tenus avec rigueur, qualité qui lui vaut d’être quelque temps assistante de Ben, autre grand conservateur méthodique. La performance s’impose quand il lui devient évident de mettre le corps « en jeu » de son « je ». Action visible quand elle porte une robe sur laquelle elle a recopié des parties de ses écrits, invisible quand elle marche avec des photos dans ses chaussures afin de leur faire éprouver le temps. Passionnée de théâtre (elle est actuellement en licence théâtre), elle performe des textes sur les désirs dans la société capitaliste (festival Excentricités à Besançon), l’inventaire de ses oublis, des fragments de confidences. Car si le matériau de base est sa propre vie, il s’élargit aussi à la parole des autres, selon des protocoles bien établis. Elle s’assure de recevoir des messages d’anniversaire jusqu’en 2074, recueille des souvenirs en échange d’un des siens. Chacun devient ainsi le garant de la mémoire de l’autre. Au Salon de Montrouge, est présenté « Combien de temps êtes-vous prêt à passer avec moi pour me découvrir ? » un rouleau de papier long de 10 m, premier opus de la réécriture intégrale de ses journaux intimes à la main. Sachant qu’elle continue à tenir des journaux, c’est donc un travail sans fin et titanesque. Mais aussi une manière de questionner le désir du spectateur ! Par la reprise de son propre matériau, l’artiste fait revivre le passé perdu et active le présent, telle une énergie de vie qui s’auto-génèrerait indéfiniment.
Par Marie Gayet
Infos :
Salon de Montrouge
Le Beffroi
2 Place Emile Cresp, Montrouge jusqu’au 24 mai