Joël Harder

Par Alexia Pierre29 septembre 2022In Articles, 2022, Revue #29

 

 

Né en 1996 en Ardèche, où il vit et travaille. Il est diplômé en 2021 de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris et de l’Université de la Bunka Gakuen de Tokyo.

Invitation à la dégustation autour d’une fontaine conviviale. Des plantes incrustées dans le cuir, à celles infusant le spiritueux cérémonieusement versé, c’est un concentré d’une forêt-refuge de rencontres que Joël Harder introduit dans l’espace d’exposition. En séduisant nos papilles, l’artiste partage l’intimité d’un lieu de drague secret, ayant animé un important cycle de son travail. Avant d’être savourée collectivement, c’est en collaboration avec la distillerie Helvia que la boisson est concoctée, à partir de plantes récoltées au sein d’unécosystème menacé – épargné des feux pour succomber à la gentrification. « Nagori ». Les poèmes gustatifsen découlant sont imbibés du concept japonais associant désir et goût de ce qui ne dure pas – à l’instar des rencontres faites en ce lieu, éphémères. Au mur, des mauvaises herbes infiltrent les interstices de tableaux en cuir souple, ainsi figées et préservées. La matière charnelle, sensuelle, sauvegarde la mémoire des formes, l’expressivité des plantes. Jeunes pousses et racines anciennes se font métaphores de cette communauté invisibilisée et pourtant à forte capacité d’adaptation.

Cette itération prolonge le projet Battue en cours, débuté en 2020 pendant le parcours de l’artiste à l’École Nationale des Arts Décoratifs ; un campement s’était par la suite niché sous la grande halle de la Villette lors de 100% L’EXPO. Longtemps observateur extérieur du lieu de drague dissimulé dans les feuillages d’une forêt riparienne ardéchoise, Harder s’en approche, en apprivoise les codes. Temps de collecte, de cueillette parmi les chasseurs. De cette immersion de plusieurs mois retracée dans ses installations, il nous rapporte objets, branches, et paroles, jusqu’à l’odeur des ébats. Il touche le visiteur à plein nez. Avec une rigueur méthodologique de recherche, l’artiste part à l’encontre sincère de l’espace de relation et nous y introduit.

De la couture d’une poche au nom des couleurs composant une tenue de camouflage spécialement élaborée, la cohérence des finitions caractérise la direction artistique de Harder. Le stylisme et design textile, chapitres précédents mais demeurant importants dans sa pratique, permettent à l’artiste de travailler collaborativement – avec par exemple des apprentis maroquiniers en formation aux Compagnons du devoir à Pantin. Doublure d’un vêtement, motif camouflage érotique, les détails de l’équipement pour chasseur-cueilleur sont suggestifs de la proximité corporelle, mimétisent la sensation du contact, et annoncent l’intimité recherchée.