Jeanne susplugas, un projet, trois lieux

« La maison malade », « There is no place like Home », « House to house » : il est question chez Jeanne Susplugas de nos projections ambivalentes sur l’habitat, le refuge, le réconfort, mais aussi la solitude et la frustration, à travers de multiples protocoles qu’elle rejoue à chaque lieu investi. Des ritournelles qui remontent à l’enfance et dont les répercussions en disent long sur nos addictions adultes.

Son nouveau terrain d’investigation se découpe en 3 temps et 3 lieux : La Maréchalerie, la galerie VivoEquidem et l’Ecole des Beaux Arts de Versailles. 

A la Maréchalerie, et en réponse à l’architecture du lieu, l’installation « At home she’s a tourist » décrit un sentiment étrange qui nous habite parfois quand il s’agit d’investir un espace peuplé d’objets qui ne nous appartiennent pas, témoins d’un passé révolu et plein de chausses-trapes. D’où l’importance de se délester, de s’alléger de nos entraves et addictions pour laisser la maison s’envoler (« Flying House »). De même avec cette nature morte en céramique qui, quand on s’en approche, décline nos dérives médicamenteuses et psycho-somatiques, face à l’impossibilité de nos désirs ; ou comment le mal-être rejoint notre rapport à l’intime. 

A la galerie parisienne VivoEquidem, l’artiste imagine une structure modulable entre la caisse de transport et la cellule habitable. Un espace expérimental où la collection d’extraits littéraires (play list sonore) interagit avec les auteurs invités, Jeanne devenant alors curatrice d’une fiction qui prend différentes formes décalées. Cet espace scénique à géométrie variable, ouvert à la curiosité et à l’inquiétude, place le spectateur au centre de rituels étrangement familiers bien que de nature ambiguë. 

Enfin à l’Ecole des Beaux-Arts, ce qui marque une première collaboration avec la Maréchalerie, Jeanne Susplugas et les étudiants de ses workshops mettent en lumière les multiples distorsions inhérentes à une société dominée par les tensions et conflits, dans des saynètes d’inspiration littéraire « All the World’s a stage » où se jouent des troubles de comportements compulsifs (TOC), des stratégies d’emprise familiale, l’obsession des « heures remarquables », autant d’ersatz d’une folie rampante que l’on cache sous des mots devenus banals et fourre-tout. Egalement, les arbres généalogiques nous rappellent l’interdépendance des liens du sang avec toutes les possibles répercussions sur nos existences. 

Dès lors, la démarche n’est pas de juger ni de dénoncer à travers la pluralité de mediums investis par l’artiste, toujours séduisants et résolument esthétiques, mais d’aller creuser et chercher dans les profondeurs de la psyché, vulnérable et traumatique, les failles et incohérences à travers un travail de sape prodigieusement efficace.

 

Par Marie de La Fresnaye


Infos :

At home she’s a tourist, Chapter I

La Maréchalerie

5 avenue de Sceaux Versailles

du 20 janvier au 26 mars 2017

At home she’s a tourist, Chapter II

Vivo Equidem

113 rue du Cherche Midi Paris

du 25 janvier au 12 août 2017

At school she’s a tourist, Chapter III 

Galerie de l’Ecole des Beaux Arts

11 rue Saint Simon Versailles

du 22 février au 15 mars 2017