Gabriela Pez – Un paysage et plusieurs îles

Par Dayneris Brito22 mars 2025In Articles, 2025, Revue#34

 

 

Sous le titre Mémoires d’un retour à Paris, en référence au recueil de poèmes d’Aimé Césaire publié en 1939 (Cahier d’un retour au pays natal), la jeune artiste cubaine présente sa première exposition personnelle en France au LAC (Loukoums & Art Contemporain), nouvel espace créé par le collectionneur Jean-Michel Attal.

L’exposition exprime l’idée du retour comme point de départ, un retour pour l’artiste non seulement d’un point de vue géographique mais aussi d’un point de vue formel puisque c’est à Paris que Gabriela Pez a acquis une nouvelle dimension dans son travail avec le grand format. Elle montre ici un ensemble de portraits à l’aquarelle, réalisés au cours de l’année écoulée dans son atelier de La Havane, portant sur la revendication de l’image de l’homme noir et sur la recherche de ses racines afro-descendantes et métisses. Inspirée par les écrits de Lydia Cabrera, Alejo Carpentier et Fernando Ortiz, ainsi que par la peinture de Wifredo Lam et Ángel Acosta León, dont les œuvres littéraires et artistiques mettent en lumière une revendication constante de l’identité métisse, l’artiste utilise la répétition méthodique et naturaliste de figures afro-descendantes pour revisiter et réhabiliter l’histoire de la négritude qui a marqué la sienne.

Sa peinture se déploie dans une pratique figurative et sensuelle. Néanmoins, dans la restitution de scènes de genre où l’homme noir occupe le centre de l’attention – comme dans le cas de Portrait dans le jardin ensoleillé et de Lecture un jour d’été – son travail fait émerger un véritable questionnement sur la représentation des personnes noires dans l’art occidental. Dans certaines œuvres, telle que El alma al florecer, Gabriela utilise la végétation comme un élément symbolique lié aux croyances afro-cubaines, où le végétal est abordé sous l’angle du mysticisme comme espace de culte et d’offrandes aux dieux du panthéon noir Yoruba (religion pratiquée à Cuba qui regroupe les croyances et pratiques originelles du peuple yoruba fondées sur le culte des Orishas). C’est dans cette utilisation du paysage rural cubain et dans l’allusion à l’exubérante végétation tropicale en tant qu’espace symbolique du syncrétisme, que l’artiste met en pratique un art qui revendique la créolisation (Edouard Glissant) et participe à la construction de cette « cubanité » tant défendue par Fernando Ortiz.

« Car dans la nature tropicale, tout bouge sous une apparente immobilité et seule la nuit révèle la parade cachée, la danse qui semble être la vie intime de toutes les créatures. Le monde des tropiques n’est pas plastique, mais musical, orphique. »*

 

* écrit par María Zambrano à Rome en 1954, à propos des œuvres de Wilfredo Lam

 

 

 

Infos pratiques

Gabriela Pez

Mémoires d’un retour à Paris 
Du 15 mars au 12 avril 2025
LAC (Loukoums & Art Contemporain) Collection Jean-Michel Attal
80A rue Bobillot, Paris 13e