FONDATION CARTIER, SCÈNE ÉMERGENTE EUROPÉENNE

L’exposition « Jeunes artistes en Europe. Les métamorphoses » présente 21 artistes de 16 pays européens, choisis par l’équipe de la Fondation Cartier à l’issue d’une année de prospection sur le continent.  « Quand on partage, c’est toujours mieux ! » entend-on dans la vidéo de Jonathan Vinel, réalisée à partir du jeu vidéo Grand Theft Auto V… Que partagent alors ces jeunes artistes ? D’abord, l’âge, à quelques années près : ils sont nés entre 1980 et 1994. Puis, l’espace culturel européen : tous ont grandi après la chute du mur de Berlin et la plupart d’entre eux se sont formés ou vivent ailleurs que dans leur pays d’origine. Egalement, ils se retrouvent sur une pratique artistique faisant des grands écarts entre le minimal et le monumental, dévoilant un intérêt pour l’hybridation, le collage, le recyclage et puisant dans l’histoire, le folklore, et les mémoires collectives. Enfin, c’est leur première exposition dans une institution, qui leur offre la possibilité d’affirmer leur singularité dans une scénographie ouverte de Benjamin Graindorge. Ainsi, l’imposant cabinet du grec Kostas Lambridis réinterprète l’art du mobilier XVIIIe, avec des matériaux aussi bien précieux que pauvres pour copier ce que l’artiste considère comme « un parfait exemple de vanité sublime ». Poursuivant son exploration poétique de l’évolution des formes, Marion Verboom s’est inspirée d’ornements d’architectures anciennes et brouille la chronologie des styles avec les colonnes colorées à l’aspect brut de la série d’Achronies. Semblant s’échapper du grand papier peint réalisé in situ par l’anglais Charlie Billingham, les peintures reprenant des caricatures d’aristocrates anglais de la fin du XVIIIe sont-elles une allusion ironique à la situation actuelle en Angleterre ?

Si les réalités sociales et politiques ne semblent pas être les préoccupations majeures de ces artistes, ou tout du moins ne sont pas énoncées comme telles – certaines œuvres s’affranchissent même totalement d’un regard sur le réel, citons par exemple les peintures voluptueuses de l’anglais George Rouy – une attention au présent ressort cependant avec les installations de Formafantasma et Tenant of culture. Pour le premier, un duo d’artistes italiens, le projet Ore streams s’intéresse aux déchets électroniques en tant que ressources primordiales, et en fait la démonstration dans une série de mobilier de bureau au design épuré. La « post-productrice » néerlandaise Hendrickje Schimmel explore l’impact des tendances, via les magazines de mode et les réseaux sociaux, sur les habitudes vestimentaires et donne une nouvelle vie à des vêtements usagés. Les patchworks d’habits ainsi créés, sorte de kit de survie contemporain urbain, suggèrent des corps solitaires mais résistants, en contrepoint du film de Lap-See Lam (suédoise d’origine hongkongaise), où, sur des images de restaurants chinois en Suède, une voix off parle de l’identité culturelle et l’exil. Vivre en Europe permet-il de partager un imaginaire commun? 

Au sous-sol, sont réunis des artistes dont l’attention se focalise sur la figure humaine et l’espace intime, – et même très intime avec le film du portugais Gabriel Abrantes !  L’étrangeté de l’imaginaire est encore plus marquée dans les peintures explosives de Myriam Haddad (France/Syrie), les sculptures biomorphiques de Raphaela Vogel (Allemagne), le décor théâtral de la tchèque Klara Hosnedlova et ses tableaux brodés, ou encore l’installation du russe Evgeny Antufiev, à la fois sacrée et profane. Des « métamorphoses » qui se contaminent parfois les unes aux autres, dans la vision d’un monde entremêlé.

 

Par Marie Gayet


Infos :

Jeunes artistes en Europe. Les métamorphoses.

Fondation Cartier

261 Bd Raspail, Paris 14e

jusqu’au 16 juin