Extracted Foreign Bodies. Les Moulins de Paillard, centre d’art contemporain.

 

D’un côté du carton d’invitation, la ruine d’un bâtiment, des murs décrépis, dans un lieu indéterminé, la sensation d’un long abandon… Au verso, une opération chirurgicale, des mains qui s’affairent sur une autre main, des paires de ciseaux. On y sent toute l’attention portée au geste, à la précision, l’extrême minutie clinique indispensable, alors que sur la photo du recto, c’est un sentiment de désolation, l’usure, le vide, le passage du temps, la mémoire, qui en émergent.

 

Qu’est-ce qui peut bien faire se rapprocher ces deux images, si différentes, de Claire Chevrier et d’Ali Kazma, les deux artistes réunis dans Extracted Foreign Bodies, l’exposition de l’été et de l’automne (qui aurait dû ouvrir au printemps 2020) au centre d’art contemporain les Moulins de Paillard ?

 

Une certaine idée de la distance ? Une objectivité de l’image ? Une forme de proximité désensibilisée ? L’impossible droit à l’erreur ?

Toutes ces questions vont venir se greffer au fur et à mesure du parcours de l’exposition, – à la scénographie impeccable, comme toujours dans ce lieu – de l’ouverture en diptyque qui rejoue le face à face des oeuvres des deux artistes, (et quelles visions !) au film de la dernière salle, un extrait d’une répétition fiévreuse de Hamlet par The Wooster Group.

Chaque œuvre présentée amène une forme de sidération, par ce qu’elle montre de ténu, d’infime et parfois d’absurde dans sa capacité à nous captiver en même temps qu’à nous décontenancer. Les décrire en serait minimiser l’effet, les réduire à ce qu’elles montrent alors qu’elles en disent beaucoup plus. Pourtant elles pourraient se résumer à ce qu’elles montrent : un ouvrier qui regarde, d’autres qui rangent, un horloger qui répare une pendule, une machine folle, totalement vaine et anti écologique, des formes de souffrance…

 

Dans l’invitation faite aux deux artistes, James Porter, le cofondateur du lieu et commissaire de l’exposition, a fait référence à un registre médical de Quixote Jackson, un médecin américain de la fin du XIXe siècle. Laryngologiste, ayant eu une formation artistique, il avait pris l’habitude de conserver les corps étrangers avalés ou inhalés par des patients, retrouvés après intervention chirurgicale. Plus de 2000 dessins sont ainsi consignés dans des albums, méticuleusement classés. La plupart glace le sang, laisse imaginer la douleur de la perforation ou de l’obstruction. L’histoire dit que la précision avec laquelle le chirurgien extrayait ces corps étrangers permettait de sauver les imprudents.

 

Penser l’intériorité du geste, alors même qu’il n’est pas dans la sphère de l’intime, les démarches de Claire Chevrier et d’Ali Kazma ont en commun une forme de proximité à l’image, quasi documentaire, mais jamais intrusive, sachant s’extraire, « tout contre ».

 

Ce samedi 11 juillet 2020, à partir de 15h, Les Moulins de Paillard fêtent les 10 ans !

Claire Chevrier et Ali Kazma seront présents.

A 19h, concert de l’Académie des Jeunes Compositeurs de l’Ensemble Offrandes.

Happy Birthday aux deux co-fondateurs Shelly de Vito et James Porter !

 


Infos pratiques:

Extracted Foreign Bodies

Claire Chevrier et Ali Kazma

Les Moulins de Paillard, Poncé sur le Loir (72)

www.moulinspaillard.com

 

jusqu’au 22 novembre 2020