Évolution continue à l’ENSBA

Par David Oggioni6 septembre 2018In Articles, 2018, Revue #19

Un siècle après Rome et Florence, Mazarin souhaite doter la France d’une Académie des Arts fondant également en 1648 une hiérarchie des genres héritée de l’antiquité, instituant les critères des commandes aux artistes.

Jusqu’à sa dissolution en 1793, l’accès à l’Académie est limité, et les œuvres sont exposées irrégulièrement, le mardi étant réservé au beau monde qui redoutait, tout en ne s’intéressant pas toujours aux œuvres, d’être mélangé aux autres visiteurs. 1

En 1816, du Louvre, l’Académie passe rive gauche, conservant jusqu’en 68, le classement en 4 beaux-arts, brisé par Malraux par suite des revendications des tracts et affiches des élèves réunis en l’Atelier Populaire quai Malaquais, clamant la fin des concours, des prix et de l’évaluation.

L’infusion fut longue : la direction actuelle de l’Ensba avait 16 ans, mais en 2017 l’école amorça pour le bicentenaire une mutation notable : l’accès à l’exposition de fin d’année n’aurait plus pour seul sésame la mention attribuée par un jury dont le président en était également le commissaire.

Le Conseil Pédagogique approuva sans réserve l’évolution de certains archaïsmes proposant un catalogue et une exposition unique, regroupant les 122 félicités et diplômés, et dans le but d’offrir aux spectateurs une photographie plus conforme de l’École dans son foisonnement et sa complexité, elle fait coïncider l’événement avec les journées portes ouvertes.

Aussi le travail collectif est-il mis à l’honneur : présenter tout le monde est plus fidèle à ce qui se fait aux Beaux-Arts, où la promo bénéficie de l’entraide dans les ateliers.

La difficulté redoutée liée à un tel challenge, se résoudra par une unité scénographique élémentaire, visuellement harmonieuse, à la déambulation agréable, rythmant le parcours par autant d’alcôves dans tous les espaces de l’école. La contrainte n’est-elle pas le sel de la création ?

L’exposition elle-même étant considérée comme un médium artistique, la production de sens surgira par une mise en relation des éléments et pratiques engendrés par chaque artiste.

Une révolution en précédant une autre, Jeune Création – avatar de Jeune Peinture, fête en mai, ça ne s’invente pas, sa 68e édition en exposant ses lauréats Cour Vitrée.

En 68, il n’y eut « pas de salon » : ses artistes temporisèrent la  « Salle Rouge »  et rejoignirent les élèves d’architecture à l’atelier Fleury. Dans une réflexion collective politico-esthétique pour une communication directe de l’image de contestation, ils subordonnèrent l’utilisation de moyens plastiques à des objectifs impliquant, pour seule validité, la vérité historique et politique du monde, via le fameux critère de lisibilité, engageant les artistes les plus formalistes à créer de la critique figurative en collectif. 2

Si lors des commémorations des 20 ans, un slogan publicitaire ironisait : « en 68 on refait le monde, en 88 on refait la cuisine », nous constaterons qu’en ce cinquantenaire on refait les Beaux-Arts. L’imagination est au pouvoir.

1 Histoire du Salon de peinture , Gérard-Georges Lemaire, 2003

2 Le salon de la jeune peinture – Une histoire, 1950-1983, Parent & Perrot, 2016

 

Par David Oggioni


Infos :

Beaux-arts de Paris

14 rue Bonaparte, Paris 6è
Eden, exposition collective et performances de 18 étudiants de l’atelier Nathalie Talec dans la Chapelle des Beaux-arts
du 12 au 20 mai

Jeune Création

du 13 au 20 mai

Exposition des Diplômés des Beaux-arts de Paris
du 28 juin au 24 juillet