Entretien avec Stéphane Baumet, directeur de la Fondation Villa Datris

 

Créée par Danièle Kapel-Marcovici en 2011, la Fondation Villa Datris est animée d’une volonté de partage offrant un véritable havre de paix et de création à l’Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse, en parallèle à la collection et à l’espace parisien Monte-Cristo.  Elle se construit autour d’une programmation d’expositions annuelles et d’acquisitions. Après des thématiques phares telles que : De nature en sculpture, Tissage tressage, Bêtes de Scène, Recyclage/Surcyclage, place à la céramique et à ses expérimentations multiples avec Toucher terre

 

Le parcours qui rassemble une centaine d’artistes de toutes provenances et générations, ouvre sur un cabinet graphique, se poursuit autour des liens entre la céramique et l’organique, des hybridations, du rapport au temps, d’une archéologie du quotidien et se termine sur l’engagement politique.  Le jardin interagit en résonance. 

Stéphane Baumet revient dans cet entretien sur les enjeux de ce panorama, les missions que se donne la Fondation en prise avec le territoire et ses possibles synergies.

 

La collection, histoire et fondements

Pauline Ruiz dirige avec Jules Fourtine l’Espace Monte-Cristo à Paris. Elle est en charge d’une collection assez éclectique dans le prolongement de l’histoire de chacune de nos expositions. Cela peut être aussi des œuvres qui ont marqué nos visiteurs. Le spectre est large entre Victor Vasarely, Rafael Soto, Marinette Cueco, Moffat Takadiwa, François Morellet mais aussi Suzanne Husky, Katia Bourdarel, Alice Anderson, Elsa Sahal….

De plus nous proposons pour chacune de nos expositions un catalogue qui participe à cette mémoire.

 

En termes d’expositions, comment se fait le lien entre l’espace provençal et l’espace parisien ?

Nous ne présentons à Paris que les œuvres entrées dans la collection après leur exposition à la Villa Datris, dans une version un peu réduite, alors qu’ici nous exposons une centaine d’œuvres à chaque fois. Mais il y a aussi la carte blanche offerte à un artiste, comme Manuel Merida cette année, qui réalise des installations monumentales et in situ, pensées pour l’Espace Monte-Cristo.

 

Quel est l’ADN de la Villa Datris ?

La générosité, le partage et l’accessibilité, des valeurs que l’on retrouve dès l’origine dans le choix des œuvres et des thèmes abordés. Les artistes que nous exposons peuvent être connus ou non, régionaux ou internationaux, avec ou sans galerie, émergents, en milieu de carrière ou redécouverts. Nous ne procédons pas par hiérarchie mais autour d’une pluralité d’expressions artistiques réunies par un thème. Danièle Kapel-Marcovici assure le commissariat de nos expositions avec ma collaboration.

 

Comment se répartit votre public ?

La gratuité favorise une fréquentation régulière des habitants de l’Isle-sur-la-Sorgue et de la région. Nous recevons aussi beaucoup de scolaires, environ 1500 enfants qui reviennent ensuite avec leur famille. L’on retrouve au fil de nos éditions des personnes venues enfant qui ont grandi avec nous ! Nous travaillons aussi avec différentes associations du champ social : migrants, réinsertion, personnes en difficultés…Nous proposons aussi des concerts, des conférences qui attirent beaucoup de monde. La gratuité, qui a été la volonté dès le départ, permet de rendre accessible un lieu d’art à des gens qui se sentiraient a priori mis à l’écart.

 

Pourquoi la céramique cet été ?

Danièle avait en tête le sujet de la matière terre depuis plusieurs années et après avoir proposé un focus sur l’art textile autour de l’aspect universel du matériau, elle souhaitait le décliner à la céramique à partir d’artistes de toutes provenances (nord de l’Europe, Asie, Afrique, Etats-Unis…) opérant des révolutions de style majeures et plus visibles que dans d’autres mediums. Il ressort de ce panorama une grande liberté.

 

Comment avez-vous procédé à la sélection des œuvres exposées dans la Villa ?

Il fallait commencer par des artistes historiques, incontournables quand on aborde la céramique. C’est pour cela que nous présentons Picasso, Fontana avec une sculpture de 1938 et Fernand Léger. Nous avions le désir d’exposer des artistes qui travaillent uniquement la céramique et la terre, des artistes qui se disent céramistes, comme Daphné Corregan, Claire Lindner, Marianne Castelly, Brian Rochefort

Et pour d’autres, la terre n’est pas le médium principal dans la réalisation de leurs œuvres. Ainsi nous trouvons Tue Greenfort qui travaille aussi le verre, Juliette Minchin qui utilise beaucoup la cire, Françoise Pétrovitch ou Barceló que l’on connaît également pour leurs dessins, peintures et sculptures en bronze.
L’important est de créer des dialogues, des confrontations formelles et esthétiques entre les sculptures.

 

Quels choix pour le jardin et les œuvres in situ ?

L’enjeu est de nouer une correspondance avec la nature et l’environnement : les arbres, la rivière, comme cela se ressent avec la fontaine d’Elsa Sahal, les pommes rouges de Caitriona Platts-Manoury, la mangeoire pour oiseaux de Laure Prouvost ou encore la forêt en miniature de Safia Hijos. L’ascenseur extérieur, transformé en œuvre d’art par Daniel Buren, agit aussi en résonance et la démarche de Catherine Gardone, à partir d’une photographie des carrières d’ocre de Roussillon, rejoint ce rapport immédiat avec la terre.

 

En règle générale, comment sélectionnez-vous les artistes ?

Nous rencontrons les artistes dans leurs ateliers, nous visitons les foires et les galeries, ou sur la recommandation de collectionneurs et d’amis … tissant tout un réseau au fil de nos rencontres.

De plus certains artistes ont des cartes blanches. C’est un versant plus expérimental que nous offrons par le biais de la possibilité donnée aux artistes de lieux de création pendant une certaine période.

 

Quelles synergies engagez-vous sur le territoire ?

En plus des synergies locales, nous faisons partie du réseau Plein Sud créé par Jean-Pierre Blanc (Villa Noailles), Anne Racine (Fondation Carmignac) et Véronique Collard Bovy (Frame) pendant le confinement.  Il permet de nous rencontrer et de créer des liens entre institutions publiques et privées sur ce large territoire entre Sète et Monaco. La force de ce réseau se mesure à sa visibilité et à son dynamisme.

 

Quel impact a eu le confinement ?

Ayant une activité temporaire et non annuelle, nous n’avons pas été affectés comme l’ont été d’autres centres d’art. L’année dernière nous avons reçu 37 000 visiteurs, ce qui reste un très bon chiffre et 36 000 l’année précédente. Les années antérieures 45 000 et 53 000, ce qui rejoint notre moyenne habituelle.

 

Quel bilan faites-vous des 10 ans de la Fondation fêtés en 2021 ?

Nous remarquons une nette progression en termes de fréquentation et de notoriété. La Fondation a véritablement trouvé sa place et pas uniquement dans la région, mais à un niveau national à travers nos publications et les prêts de la collection. Cela concerne par exemple l’œuvre d’Anita Molinero exposée au Musée d’art moderne de Paris ou Kate MccGwire en ce moment à Lille 3000. Nous avons aussi à cœur de rester fidèles à nos choix et à nos engagements.


INFOS :

Toucher terre- l’art de la sculpture céramique

Villa Datris, Isle sur la Sorgue

jusqu’au 1er novembre

 

CINETIQUE ! la sculpture en mouvement

Espace Monte-Cristo, Paris 20e

jusqu’au 11 décembre