Entretien avec Jean-Philip Lucas et la zone de sensibilité artistique et solidaire à la ferme urbaine de Saint Denis

 

A la sortie du métro ligne 13, au milieu du bitume, une utopie maraichère fait de la résistance ! Imaginez des chefs étoilés et des artistes apiculteurs réunis à la même table sous les serres de la dernière ferme maraichère du 19ème siècle, encore en activité aux Portes de Paris.

 

Le Grand Paris et la toque d’Alain Ducasse, telle est l’ultime utopie d’Olivier Darné, à qui on doit le « Miel Béton », et qui avait installé un polinisateur urbain devant le Centre Pompidou en 2006. « Fertiliser les possibles » habite cet apiculteur activiste qui fonde le Parti Poétique et plante sa Zone sensible à Saint-Denis sur les 3,7 ha de terres agricoles de cette ferme maraîchère.

 

Autour du triptyque : NATURE-CULTURE-NOURRITURE, cette exploitation en permaculture met en avant la biodiversité culturelle et culinaire des 135 nationalités présentes sur ce territoire très fortement urbanisé à partir de 200 spèces végétales cultivées, comme une ferme des cultures du monde déclare Jean-Philip Lucas, membre du collectif et également administrateur du DOC. Depuis 2018 l’espace 365 est né, nouvelle parcelle artistique de 365 m² au milieu des plantations de légumes.

 

Parmi les artistes exposés Morgane Porcheron, Raphaël Dallaporta, Trapier Duporté et le photographe Jean-Pierre Sageot nous présentent leur compte-rendu de résidence à l’occasion de cette célébration du solstice en partenariat avec le centre d’art Synesthésie également à Saint-Denis.

 

Parti Poétique partage les terres avec l’entreprise Les Fermes de Gally. Le prochain projet et défi de Parti Poétique/Zone Sensible, est un campus de formation centré sur les questions d’agriculture urbaine, encourageant l’insertion de personnes en situation d’exil, en concertation avec des associations spécialisées.

 

A noter qu’une nouvelle étape du Parti Poétique avec une résidence sera prochainement créée à Arles avec les éditions Actes Sud. Jean-Philip Lucas nous donne les contours de ces futurs possibles autour des questionnements suscités par l’abeille en milieu urbain.

 

 

Quelle est la vocation de Zone Sensible ?

Zone Sensible est un centre de production art et nourriture installé à Saint Denis dans la dernière ferme du XIXème siècle encore en activité aux portes de Paris. L’avantage est son accessibilité en métro. Nous sommes parmi les premiers à nous engager sur un projet de permaculture en pleine terre accessible en métro, choix que l’on a fait quand le collectif Parti Poétique a récupéré ces terres de maraichage traditionnel en monoculture de salades. En parallèle à plus de 200 espèces de plantées différentes nous proposons en terme de production culturelle des concerts, des expositions, du théâtre, du cirque, des performances tout au long de l’année, gratuits et ouverts au public les habitants ou autres. Nous invitons aussi des artistes en résidence, comme en 2019 avec Morgane Porcheron ou Raphaël Dallaporta, Trapier & Duporté et le photographe Jean-Pierre Sageot, qui présentent actuellement leur compte-rendu de résidence dans l’espace d’exposition 365.

En 2020 nous aurons d’autres artistes. Nous nous partageons les lieux à l’année avec les Fermes de Gally qui communiquent plus sur la partie pédagogie et maraîchage.

 

Quel est votre rôle au sein de Zone Sensible ?

Quand le Parti Poétique a intégré ce lieu il y a trois ans et demi, je suis arrivé pour développer ce projet et je coordonne à présent une partie de la programmation et production des évènements, les résidences, les invitations. Aujourd’hui nous invitons Synesthésie qui organise beaucoup de Hors les murs. Nous proposerons une autre journée porte ouverte avec eux en septembre et en octobre.

 

Les résidences

L’année dernière nous nous sommes appuyés sur [N.A!] project- le fonds d’art contemporain créé par Bertrand Jacoberger, fondateur de Nature Addicts, qui nous a permis de lancer une bourse de création qu’ont obtenu Morgane Porcheron et Raphaël Dallaporta. [N.A!] project nous avait aussi soutenu en 2018 à l’occasion de l’inauguration « 365 », un nouvel espace dédié à la recherche et à la création artistique inscrit au sein de Zone Sensible. Ce sont 365 mètres carrés dédiés 365 jours par an à la création contemporaine.

La résidence de Trapier Duporté a été réalisée avec le Conseil départemental de la Seine Saint Denis. Cette année nous construisons nos résidences avec l’aide du département, de la région, de l’Union Européenne ou sur notre budget de fonctionnement.

 

Quels sont les projets à venir de Zone Sensible ?

Dans le cadre de nos prestations artistiques, liées à des événements et propositions d’installations notamment autour des abeilles, nous préparons une résidence à Arles avec Actes Sud et la Fondation Luma en 2020-2030. Fin août nous ferons partie du programme « Agir sur le vivant » avec une installation autour des abeilles, comme nous l’avons fait au Centre Pompidou et ici à Saint Denis sur le toit de la mairie. L’idée est de travailler avec ce marqueur de territoire qu’est l’abeille.

 

Quel est votre profil ?

Je m’occupe de la gestion de projets culturels auprès de tiers lieux culturels alternatifs via mon entreprise « Ancoats » et je suis aussi impliqué au DOC dans le 19ème arrondissement, structure qui regroupe 95 artistes sur 3000m².

 

Quelles initiatives de solidarité avez-vous souhaité mettre en place ?

Pendant la période de confinement nous n’avons pas pu travailler sur place même si le chef maraîcher était présent pour entretenir les plantations. Au-delà de 3 mois de programmation annulée ou reportée, nous avons réfléchi sur les composantes du territoire de la Seine Saint Denis et cette grande précarité économique et sociale qui s’est trouvée accentuée par le COVID. Normalement notre production de légumes est plutôt à destination de restaurateurs. A travers les paniers légumes bio vendus à 15 €, comme le ferait une Amap, nous avons décidé pendant le post confinement d’offrir 100% de notre production aux habitants du territoire. Chaque semaine nous livrons 8 structures, 4 à Saint-Denis, 2 à Stains et 2 à Pierrefitte en vélo avec la régie de quartier de Stains. Nous souhaitons poursuivre cet engagement tout l’été.

Pour nos artistes, dont beaucoup ont eu leurs expos ou projets annulés, nous avons commandé deux nouvelles oeuvres à Trapier & Duporté et Raphaël Dallaporta, sous la forme d’une carte blanche.

 


INFOS:

Zone Sensible / Parti Poétique

Ferme Urbaine de Saint-Denis

112 avenue de Stalingrad, Saint Denis

Ouverture tous les samedis entre mars et octobre- Entrée libre