Emma Dusong, là où ça chante, ça vit

 

Au cœur du travail d’Emma Dusong, il y a la voix humaine, parlée ou chantée. Elle est un matériau mouvant autant qu’une matière émouvante que l’artiste chercheuse, née en 1982, diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2008, et docteur en sciences de l’art et esthétique – explore et déploie dans des installations, des vidéos et des performances.  Sa démarche vise à décloisonner les pratiques de la musique à travers le chant et celle des arts plastiques notamment par la prise en compte de l’espace d’exposition. Pour cette artiste qui vient au départ de l’image, s’intéresser à la voix humaine – dont elle souligne « sa dimension vivante et évanescente, tellement présente, expressive et tactile » – est une manière d’expérimenter « un médium qui soit le plus vivant possible dans le prolongement de la respiration».  Elle peut se mettre en scène elle-même, ou investir des objets, des espaces, dans des dispositifs réaffirmant pour chacun des spécificités et une essence du vivant. Pour ma part, j’ai découvert le travail de cette artiste au cours d’une performance avec une valise qui s’ouvrait et chantait en même temps. C’était très étrange de voir cet objet s’animer comme s’il était vivant, mais encore plus étrange d’en percevoir des sentiments.  La voix chantée, dans le contexte de cette activation, portait le temps, la disparition, l’absence, la douleur, la douceur, le deuil, l’histoire, la mémoire, le secret, la vie intérieure. Elle était un appel et une consolation.

Sa dernière exposition personnelle au Crac de Sète en 2016 s’appelait Suivre sa voix, qui, plus que la sienne était un recueillement autour de celle d’une personne disparue. La prochaine, à la Galerie des Filles du Calvaire, a pour titre La voix libre, choisi par rapport à l’expression « voie libre » et l’espace élargi qu’elle suggère. Elle rassemble des oeuvres qui ont toutes un lien avec la liberté. Outre son installation Classe (2012), douze pupitres d’école, mettant le système de l’apprentissage scolaire en critique, on pourra voir la vidéo Et O, tournée dans la maison de l’architecte Antti Lovag. En a découlé une partition se démarquant de ses travaux précédents, plus en phase avec l’esprit de cet habitat atypique « libre, hors des codes et des contraintes », moins dans l’adversité, plus dans la confiance et la sérénité.

Dans un reportage sur Arte, on la voit arpenter un lieu, avec sa perche à son, ses micros, ses écouteurs, telle une sourcière, en quête de la voix naissante, l’onde sonore à l’origine de tout chant. La voix est bien une énergie physique, mentale et spirituelle qui engage le corps.

Conjointes à son activité artistique, ses recherches portent sur les présences du chant dans la création artistique ou cinématographique, à l’instar de Meredith Monk, Kristin Oppenheim ou Chantal Ackerman, et interrogent la survivance et la mémoire. Lors d’un récent colloque, Les œuvres de la voix, sa conférence abordait les liens entre liberté et chant au sein de l’art contemporain. Quand le chant est une voie pour se faire entendre, une voix qui se soulève.

 


INFOS:

La voix libre

Galerie des Filles du Calvaire

17, rue des Filles du Calvaire, Paris 3e

du 26 janvier au 23 février