ELIKA HEDAYAT
Née à Téhéran en 1979, elle arrive en France en 2004 et intègre l’atelier d’Annette Messager aux Beaux-Arts de Paris. Elle est alors surprise de la méconnaissance sur son pays d’origine, l’Iran. C’est pourquoi dans son travail, l’artiste a souvent mélangé les témoignages et le documentaire expérimental puisant son inspiration dans l’art populaire iranien. Mais ses histoires ont toujours été contemporaines et ses personnages réels.
C’est parce qu’elle ne veut pas oublier son enfance, son éducation, la guerre, la censure mise en place dans son pays natal qu’elle a développé en permanence des formes qui recyclent, repensent et mettent à jour l’histoire collective d’une génération face à une dictature. L’ensemble de son œuvre revisite des références historiques, les transférant sur le terrain de l’expérience personnelle, utilisant principalement les diverses possibilités de son répertoire comme document narratif et outil de récupération. Sa dernière série Les Dépossédés en témoigne.
La rencontre avec les romans d’Ursula Le Guin a été déterminante pour la création de cette série. L’autrice y aborde des sujets de préoccupation actuelle comme la mise à l’épreuve du lien social, le genre, le féminisme, l’homme dans le règne du vivant, les menaces écologiques, la colonisation, l’expansion ou la disparition des espèces humaines.
C’est avec les mêmes interrogations et le même sentiment d’être dépossédée qu’Elika Hedayat a construit sa série d’œuvres présentée à la Maison des Arts de Malakoff. Un travail d’une profonde et forte unité où l’artiste privilégie l’évidence muette de ses dessins, de ses peintures et de ses fresques in situ, de ses animations et vidéos pour accomplir là une œuvre d’autant plus éloquente qu’elle oblige le regardeur à s’attarder sur la pertinence du propos. Elle joue d’une authentique insubordination à l’ordre établi pour faire avancer sa réalité picturale dans le domaine de la poésie. Elle fait appel en permanence dans ses œuvres aux forces de rupture que souvent nous avons oublié : l’émotion, l’imagination, le désir du bonheur et celui d’en payer le prix. L’espace absorbe les êtres et les choses, on pourrait parler de réification s’il n’y avait dans le travail de l’artiste un sens du tragique qui, par-delà des choses, concerne très évidemment l’humain.
Avec ce nouveau travail, Elika Hedayat a passé un cap. Elle crée une fabulation narrative loin de tout réalisme pompier et porté par une passion de la peinture et du trait. Elle affirme son statut d’artiste indépendante – rétive à toute espèce de pression ou d’embrigadement. Solaire, parfois jugée solitaire, elle a acquis, par fidélité à soi, à ses origines, à sa qualité d’exilée et, de fait, à sa double culture mais aussi par le travail et par une austérité farouche qui lui est propre, un véritable sens de l’universel. Elle est une de ces créatrices uniques qui, avec ses images, fait avancer la réflexion dans le domaine des rapports de l’art avec la réalité sociale tout en conservant une authentique et courageuse rébellion graphique, hors de tout sentier battu.
Les dépossédés
Du 23 Septembre au 10 décembre 2023
Maison des Arts- centre d’art contemporain de Malakoff
105, avenue du 12 février 1934, Malakoff