DRAWING NOW 2023 – Place aux femmes !

Par Maya Sachweh9 mars 2023In Articles, 2023, Revue #30

 

Rendez-vous incontournable des amateurs d’art contemporain, Drawing Now Art Fair s’installe de nouveau au Carreau du Temple fin mars avec 73 galeries (dont 30 % étrangères) proposant un vaste panorama des pratiques du dessin des 50 dernières années. Pour cette 16e édition les femmes sont particulièrement mises en valeur.

 

Plus de 30 femmes sont présentées en focus ou en duo show au sein des accrochages des galeries. Pour l’exposition centrale Le prisme du féminin : Machines, Ovocytes, Fils, Potions, la directrice artistique de Drawing Now, Joana P. R. Neves, a sélectionné 20 artistes internationales de toutes générations. On y trouve aussi bien des « anciennes », comme Pierrette Bloch, Vera Molnar et Agnes Martin, des artistes avec un parcours de plusieurs décennies, comme Tania Mouraud, Hélène Delprat et Marlene Dumas, que des talents plus récemment révélés, comme Edith Dekyndt, Stéphanie Saadé et Elika Hedayat. La liste n’est d’ailleurs pas exclusivement féminine puisqu’elle comprend également trois hommes.

Joana P. R. Neves explique ainsi le concept de son exposition :

« Si l’histoire de l’art a souvent oublié la place importante occupée par les femmes artistes, l’exposition Prisme du féminin rend hommage à certaines d’entre elles, ainsi que quelques hommes, qui à travers leur œuvre dessinée ont pu avoir un rôle déterminant et même pionnier. Tania Mouraud, par exemple, est considérée, avec tendresse, comme la grand-mère du Street Art. Vera Molnar est une pionnière de l’emploi systématique de l’informatique dans le dessin. Pierrette Bloch, quant à elle, a utilisé le fil de crin, dans un clin d’œil à la couture, comme ligne matérialisée du dessin, ou même de l’écriture. La calligraphie, un art qui en Europe est plutôt considérée comme ornementale, domaine propre aux femmes, est aussi une part importante de cette exposition. Elle est employée pour dévier la logique de la parole et partir ainsi dans une créativité qui ne serait plus bridée par la raison, entendue comme une part masculine de la société, employée pour en exclure les femmes, dont l’hystérie les empêchait, considérait-on, d’être opérationnelles. »

Dans le cadre du partenariat avec le Frac Picardie dirigé par Pascal Neveux et inauguré l’année dernière, l’exposition trouvera son prolongement à Amiens du 7 avril au 3 juin.

Pour la nomination des candidat.e.s au 12e Prix Drawing Now, le comité de sélection a respecté la parité hommes/femmes. Revenons sur les six artistes retenu.e.s qui témoignent de la diversité des pratiques du dessin contemporain.

Suzanne Husky, née en 1975 (représentée par la Galerie Alain Gutharc), est une artiste franco-américaine militante, engagée contre les dérives de « l’agro-business » et pour une alliance humain-nature. Elle s’y emploie avec tous les moyens artistiques, sans hiérarchie entre peinture, dessin, sculpture, installation, vidéo, performance, art populaire et art savant.

Mircea Kantor, né en 1977 en Roumanie (représenté par Dilecta), est surtout connu pour ses sculptures et installations mais la pratique du dessin occupe une place essentielle dans son travail. Elle fait œuvre à part entière et ne sert que rarement d’étape préparatoire pour ses projets. Ses dessins se caractérisent par la spontanéité du geste et la précision du trait, ils semblent nés de l’urgence mais sont néanmoins extrêmement maîtrisés. Ce n’est pas par hasard qu’il il s’intéresse aux peintres zen japonais, en particulier pour la vitesse avec laquelle ils parviennent à mettre en forme des idées et leurs sujets.

Keita Mori, né en 1981 au Japon (représenté par la Galerie Catherine Putman), est dessinateur sans dessiner. Il tire des traits non pas avec des crayons mais avec des fils, blancs et bleus de préférence, parfois dorés. Ses « dessins » sur papier s’inspirent de plans et d’architectures et deviennent eux-mêmes architecturaux lorsqu’ils quittent le cadre et structurent les murs et les espaces d’exposition, comme dans ses installations réalisées in situ au Drawing Lab en 2017.

Stella Sujin, née en 1983 en Corée du Sud (représentée par Backslash). Dans la lignée des artistes héritières du surréalisme, elle s’intéresse au corps féminin, ses représentations et l’oppression que les femmes subissent dans une société dominée par les hommes. Ses peintures et aquarelles présentent le corps féminin sous des formes souvent fantastiques : celles d’une femme enceinte, de la Vierge Marie, d’un organe génital, du Sphinx de la mythologie grecque, d’un protozoaire aux fleurs incrustées ou d’une créature hybride.

João Vilhena, né en 1973 au Portugal (représenté par la Galerie Alberta Pane), est essentiellement dessinateur avec une pratique plutôt traditionnelle, souvent à la pierre noire. Ses dessins sont d’une précision exceptionnelle, même quand ils sont flous. Il joue avec le regard du spectateur en employant des « trucs » : illusion d’optique, trompe-l’œil, anamorphose… Pour lui, c’est bien le regard qui fait l’œuvre, qui l’active et lui donne du sens, même si ses titres peuvent dérouter avec des anagrammes, des contrepèteries et d’autres jeux de mots.

Marine Wallon, née en 1985 (représentée par la Galerie Catherine Issert), est avant tout peintre mais s’exprime également sur papier, avec des gouaches, des aquarelles, des pastels et des techniques mixtes. Elle s’interroge sur l’organisation du paysage et ses possibles distorsions. L’exagération des constituants du paysage, par la forme et la couleur, lui permet de créer de nouvelles recherches formelles : liquidités transparentes, imbrications crayon-peinture, gestes frottés, etc. Tout est permis pour que la couleur apparaisse.

Le prix est doté de 15 000 € (5 000 € de dotation pour l’artiste, 10 000 € d’aide à la production pour une exposition de 3 mois au Drawing Lab et l’édition d’un catalogue monographique).


 

Infos pratiques :

Drawing Now Art Fair

23 – 26 mars 2023

Carreau du Temple

4 rue Eugène Spuller, Paris 3e