Dorian Gaudin, quand la machine s’émancipe

Diplômé des Arts Décoratifs, des Beaux-Arts de Paris et de l’école du Fresnoy (59), Dorian Gaudin (franco-américain, né en 1986 à Paris) part à New York et continue à développer des installations à la fois pérennes et transitoires, mettant en oeuvre une ingénierie complexe et interrogeant le potentiel même de la sculpture. Un mécanisme toujours apparent qui sème la confusion et met en danger le spectateur. 

Que ce soit au Fresnoy, avec ce mur qui se décompose, à la galerie Jérôme Pauchant avec « Aging Beauty » (d’abord décor de film puis machine abstraite dessinant un paysage mouvant de vagues à partir de rondins en bois), en regard avec Gianni Motti avec « Second Offense » ou encore « Missing You » (gros cylindre en acier qui roule sur lui-même) la mécanique se rebelle et perd sa fonction première pour sortir du cadre. Un jeu d’opposition et de provocation qui crée une situation propice à une relation entre le spectateur et la machine, une relation tour à tour « psychique, psychologique et pulsionnelle », selon les propres mots de l’artiste

Pour le Palais de Tokyo, à l’invitation de Julien Fronsacq, le théâtre d’objets mis en mouvement ressemble à une scène de banquet dévastée. Un long ressort désarticulé, ruban métallique à grande échelle, tente de se redresser et performe au milieu de chaises sur ressorts et de bouteilles roulant au sol et explorant l’espace. 

Ces sculptures rebondissantes actionnées par des vérins créent une mutation des usages et des genres. Le spectateur, totalement immergé face à cette étrange chorégraphie sans maître, en ressent un malaise au bord de la claustrophobie. La catastrophe est là, sous jacente dans cette salle du Capricorne devenue quasi anxiogène. Des interférences aléatoires entre design fonctionnel et ingénierie empirique où les contraintes déterminent les formes et matériaux. Des objectifs absurdes pour des chemins, eux, logiques, comme le souligne l’artiste. 

Prochainement, à l’Armory Show, l’artiste redonnera une seconde vie à l’un de ses vestiges : « Missing You », selon le principe du ricochet emprunté à l’univers du théâtre qu’il décline volontiers et selon chaque contexte. 

Subtil compromis qui repousse à chaque fois catégories et limites dans une quête identitaire aussi vaine qu’essentielle.

 

Par Marie de la Fresnaye


Infos :

Dorian Gaudin, Titre : Rites and Aftermath

Palais de Tokyo

du 3 février au 8 mai 2017