Clément Bataille - Entre mythe et démystification

 

 

Historien de formation et artiste autodidacte, Clément Bataille fait dialoguer l’art religieux avec la création contemporaine. Puisant son inspiration chez les primitifs italiens, dans l’art byzantin et le cinéma queer, il réinterprète des thèmes classiques afin d’en révéler les tensions et les ambivalences. Sa démarche artistique, imprégnée d’une mystique codifiée et récurrente, esquisse une nouvelle iconographie où se mêlent mémoire visuelle et modernité, offrant ainsi une lecture renouvelée de notre rapport au monde actuel.

Comment faut-il aborder le travail de Clément Bataille ? Avec un œil profane ou sacré ?
La question ne se limite pas aux références religieuses qui surabondent dans son œuvre, mais englobe aussi une réflexion sur une contemporanéité où le profane et le sacré coexistent le plus souvent dans l’indifférence. Cela dit, en détournant de manière audacieuse les représentations iconographiques religieuses, l’artiste cherche avant tout à susciter un sentiment de déjà-vu et à semer le trouble. S’il s’inspire du langage traditionnel de la peinture européenne, en reprenant des scènes de la bible omniprésentes dans l’histoire de l’art, c’est aussi pour jouer sur l’ambivalence des représentations et des symboles, interrogeant ainsi le lien entre un passé mythifié et un présent en quête de sens. Il n’est pas anodin que cette approche s’inscrive dans un hommage à des cinéastes tels que Pier Paolo Pasolini ou Derek Jarman, réaffirmant ainsi la vocation de l’art comme expérience inspirée du monde.

A l’occasion du 68e Salon de Montrouge, Clément Bataille s’est pour la première fois consacré au grand format pour recréer une scène mettant en jeu une vingtaine de personnages, à travers un triptyque représentant La chute de l’ange, le baptême et le baiser de Judas. Fidèle à ses thèmes de prédilection, il a revisité ces épisodes bibliques pour proposer une représentation plus vulnérable de la masculinité contemporaine. Le panneau central, dédié au baptême, reprend à la même échelle une composition de Piero della Francesca, figure emblématique des peintres humanistes. Ce choix s’explique notamment par la présence, en arrière-plan du tableau original, d’un personnage effectuant le geste de retirer un t-shirt, un motif que l’artiste avait déjà exploité et qui résonne particulièrement avec notre époque. Tous les personnages de la peinture d’origine ont été remplacés par des personnes issues de son entourage familial et amical. Il y intègre également une image homoérotique, ainsi que des personnalités de la pop culture, telles qu’un influenceur et un chanteur de pop australienne. S’y retrouvent également des motifs fréquents dans son travail, à l’image des fleurs inspirées du jardin que Derek Jarman cultivait à la fin de sa vie, ou encore le drapé du Saint Pagne, morceau d’étoffe qui aurait servi à dissimuler la nudité du Christ en croix.

En s’appropriant les détails symboliques et les stéréotypes visuels d’une iconographie mystique, Clément Bataille cherche avant tout à refléter les nouvelles sensibilités émergentes et, par ce biais, à inscrire leurs représentations dans l’imaginaire collectif. Loin de vouloir opposer le sacré et le profane, l’artiste propose une troisième voie : celle d’un regard renouvelé et nuancé posé sur la complexité d’une humanité en constante évolution.

Portrait dans le cadre du partenariat média avec le Salon de Montrouge.