Clap de fin pour Images/Ventenac

 

Après onze expositions estivales de films et de vidéos dans un lieu magique aux bords du Canal du Midi, la dernière saison d’Images/Ventenac s’attache au thème de la peau, noire ou blanche ou martyrisée. Retour sur une histoire de passions.

 

En 2000, deux artistes parisiens, François Moulignat et Joël Barguil, tombent amoureux d’un ancien chai à Ventenac en Minervois à une quinzaine de kilomètres de Narbonne. Le vaste bâtiment de plus de 400 mètres carrés sur deux niveaux donne d’un côté sur le Canal du Midi et de l’autre sur les vignes. Dans un premier temps, ils y installent leur atelier et le rendent habitable, tout en gardant la structure d’origine. L’étage inférieur, avec très peu d’ouvertures sur l’extérieur, reste à réinventer. De là est née l’idée d’en faire un lieu d’exposition dédié au film et à la vidéo, avec un programme exigeant mêlant vidéos d’artistes contemporains et films et documentaires « historiques » autour d’une thématique commune.

 

Depuis 2010, on a pu y découvrir des œuvres de Pipilotti Rist, Ange Leccia, Yazid Oulab, Clément Cogitore, Christian Barani, Côme Mosta-Heirt, Marina Abramovic / Ulay, Akram Zaatari, Jordi Colomer, Paolo Gioli, Hakima El Djoudi, Wim Catrysse, Agnès Rosse, Adrian Paci, Hayoun Kwon, Nira Pereg, Laurent Grasso… Mais aussi des films iconiques tels que le documentaire de l’ethnologue Ernesto de Martino et du cinéaste Gianfranco Mingozzi sur le phénomène des « tarantate » dans les Pouilles au début des années 1960, ou Le sang des bêtes de Georges Franju, tourné dans les Abattoirs de Vaugirard en 1948.

 

Le cycle se clôt cet été sous le signe de La Peau, qui peut être martyrisée et stigmatisée comme dans la vidéo de Sigalit Landau, Barbed Hula, qui montre une femme nue sur une plage « jouant » au Hula Hoop avec un cerceau en fil barbelé, le jouet devenu ainsi instrument de torture.

Les autres films et vidéos font plutôt écho aux débats actuels sur les questions identitaires liées à la couleur de peau, se référant au texte de Frantz Fanon Peau noire, masque blanc, dans lequel l’auteur fait le constat que « le noir est enfermé dans sa noirceur et le blanc dans sa blancheur » et qu’il faudra trouver les moyens de sortir de « cette prison identitaire ».

 

Cela commence avec une séquence plutôt joyeuse, un extrait du film de Busby Berkeley, Babes on Broadway de 1941, avec Judy Garland et Mickey Rooney, où les « black faces », acteurs et danseurs blancs maquillés en noirs grotesques amusent les spectateurs blancs. Rappelons qu’à l’époque les acteurs noirs étaient quasiment bannis des écrans de cinéma, sauf dans les rôles d’esclaves.

 

En 2011, dans sa vidéo What a Pity You’re an Architect, Monsieur. You’d Make a Sensational Partner (after Josephine Baker), l’artiste Lili Reynaud Dewar a entièrement recouvert son corps nu de peinture noire pour rendre hommage à Josephine Baker. Le titre évoque la rencontre, sur un transatlantique, entre la star noire et Le Corbusier qui s’était alors déguisé en danseur de le Revue Nègre pour la séduire. La vidéo cache encore un sens plus politique avec plusieurs bras aux poings fermés moulés et peints en noir et en blanc, posés ou érigés sur des socles, référence explicite aux athlètes noirs américains aux Jeux Olympiques de Mexico en 1968, qui avaient levé leurs poings sur le podium des vainqueurs en protestation contre la discrimination raciale aux Etats-Unis.

 

Dans Good Boy, Bad Boy, vidéo de 1985, Bruce Nauman fait répéter une centaine de phrases à deux acteurs présentés sur deux moniteurs placés côte à côte.  L’un est un homme noir à la chemise blanche, l’autre une femme blanche vêtue d’une robe verte. Le jeu de l’homme noir juxtaposé à celui de la femme blanche fait écho à des questions de différences de sexes et de races. L’exercice formel se double d’une réflexion sur les questions identitaires.

 

Michèle Magema, artiste née à Kinshasa, a choisi un geste poétique pour transcender en quelque sorte la problématique de couleur de peau et d’identité culturelle et sociétale. Dans The Kiss of Narcisse(e), sur un écran partagé, elle s’approche du spectateur avec un moulage blanc de son visage, ne laissant visibles que les yeux et le front, d’un côté, alors que de l’autre, elle s’éloigne du spectateur en embrassant l’un après l’autre trois moulages en plâtre blanc de son visage entier accrochés à un mur d’immeuble parisien. Elle n’impose aucune lecture, laissant le spectateur libre d’interpréter ce geste.

Fin d’un cycle ne veut pas dire fin de l’aventure. Dans les années à venir, l‘espace servira à d’autres formes d’événements et d’expression. C’est le cadre idéal pour le spectacle vivant, la performance, la musique. A d’autres maintenant de réinventer l’esprit du lieu et d’y exprimer leur passion.

 


Infos pratiques:

La Peau

Exposition jusqu’au 16 septembre, ouverte tous les jours (sauf lundi) de 15 à 19h

Images/Ventenac  5 route de Saint-Nazaire  11120 Ventenac en Minervois Tel : 06 17 34 37 30

http://www.images.ventenac.net/