AUDE CARTIER – La Maison des Arts de Malakoff

 

Après avoir travaillé en galerie et réalisé quelques commissariats d’exposition en tant qu’indépendante, Aude Cartier a pris la direction du centre d’art contemporain de Malakoff il y a un peu plus de quinze ans.

Le centre d’art se déploie sur deux sites : la supérette et la maison des arts. La maison des arts, un ancien relais de chasse de style néoclassique, emprunte sa grammaire formelle à un recueil d’architecture du début du XIXe siècle. A la demande d’André Malraux, le bâtiment est classé à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques à la fin des années 70, il devient propriété de la ville de Malakoff en 1993 et est appelé « maison des arts ». En 2019, le centre d’art ouvre la « supérette », dans le quartier de Stalingrad, nouveau lieu de production et d’expérimentation collectives ouvert sur le territoire, complémentaire du lieu de diffusion qu’est le centre d’art qui fait partie des réseaux TRAM et Arts en résidence.

Aude Cartier souhaite intégrer l’artiste au cœur de la société.

 

Quand j’ai pris mes fonctions, il y avait une programmation de grande qualité avec un axe peinture voulu par Dominique Cordesse alors adjointe à la Culture à la mairie de Malakoff avec un engagement politique affirmé qui a perduré. Dès les années 2010 j’ai mis en avant un axe très fort autour de la question de la sociologie d’une ville, de la manière dont l’architecture pouvait penser un territoire, le modifier dans sa pratique, les liens avec le paysage et autour de l’écologie.

Pour moi un centre d’art est avant tout un lieu de vie, un lieu qui doit sans cesse discuter avec son territoire d’accueil, un lieu où manipuler les idées, les mettre ensemble et les faire réagir. Il doit être un laboratoire émetteur d’idées, d’utopies et de formes inédites, lieu de rencontre avec les auteur·rice·s, initiateur de débats et échanges sur les mutations de notre société. Avant tout le lieu du projet de l’artiste. On leur offre la possibilité de produire, d’exposer, de travailler.

Aujourd’hui, au centre d’art, je programme deux expositions longues sur l’année. Je veux montrer comment se fabrique une exposition, comment aujourd’hui on pense la réutilisation des matériaux dans un esprit d’éco-conception. Si je prends en exemple l’exposition Picturalité (s) en 2020 avec Sylvain Azam, Amélie Bertrand, Emilie Brout & Maxime Marion, Terencio González, Maude Maris et Agnès Thurnauer, j’ai privilégié de plonger dans les réserves d’ateliers en choisissant de nous appuyer sur une production dormante, sur « ce qui existe déjà » plutôt que sur la commande de nouvelles œuvres. L’ensemble du financement de l’exposition est allé exclusivement aux honoraires des artistes, ce qui était une manière de les aider à surmonter la période difficile due au Covid, même on a toujours donné des honoraires aux créateurs.

Toutes les expositions sont enrichies par des journées d’études avec des thématiques autour de la question du travail, du statut de l’artiste aujourd’hui, Depuis quelques années, je m’entoure de jeunes chercheurs. J’ai travaillé avec Florian Gaité, docteur en philosophie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sur une période de plusieurs années autour de manifestations comme Les Résidences performées et en 2021 Quelque part entre le silence et les parlers avec des artistes qui vivent en Algérie, une scène souterraine et passionnante comparable à la situation des créateurs en Turquie.

Autre exemple de collaboration : en 2017, HERstory proposée par l’historienne d’art et commissaire d’exposition, Julie Crenn et l’artiste, Pascal Lièvre. Définie comme une exposition d’archives, l’idée était de faire entendre les voix de féministes, hommes, femmes et transgenres du monde entier.

Aujourd’hui, j’ai à mes côtés Émeline Jaret, attachée à l’université de Rennes 2 pour une journée de co-recherche « Être au travail » en lien avec l’exposition du collectif Le Houloc qui regroupe des artistes qui a priori n’ont pas pour usage de penser une œuvre commune mais qui tentent ici l’expérience. Le titre de leur projet Partir du lieu dévoile une complicité qu’ils nous proposent, entre leur lieu de travail partagé situé à Aubervilliers et les espaces d’exposition qu’ils investissent à Malakoff. L’objectif de ce temps de réflexion collective est de s’interroger sur les conditions de la pratique de l’art à travers la production, l’accompagnement disponible, et les perspectives.

Autre axe important de notre politique : le pôle médiation et éducation artistique pilotée par Julie Esmaeelipour avec deux ou trois médiateurs qui accompagnent les projets. Une médiation cousue main avec pour chaque expo une orientation spécifique. Cela prolonge toute cette réflexion que je privilégie sur le vivre ensemble, sur la question de co-partage, de co-transmission et ce que veut dire le collectif.

J’essaie en permanence de réinventer ce que doit être un centre d’art. L’ouverture en 2019 de la supérette répondait à une envie forte que j’avais d’implanter le centre d’art dans le quartier de Stalingrad qui est un quartier dit sensible, d’avoir un lieu de proximité avec les habitants et dédié à l’expérimentation. Avec l’idée d’offrir des espaces de travail aux artistes avec soit un format atelier pour trois mois avec une dotation assez forte soit une forme plus courte réservée à des jeunes collectifs sortant d’Écoles d’art et dont la résidence est complétée par une bourse de soutien.

Pour conclure, le plus important pour moi est de réaffirmer à travers l’ensemble de la programmation qu’aujourd’hui il est important d’apprendre à faire ensemble, à créer de l’empathie, à avoir à l’esprit cette idée d’urgence écologique et de bienveillance. Il s’agit d’intégrer l’artiste au cœur de la société et qu’il y ait une prise de conscience collective de leur nécessité à être actifs dans la société civile. Je suis persuadée qu’on peut faire bouger les choses en jouant le collectif et je suis très heureuse d’aider modestement à notre niveau de montrer que le centre d’art est un lieu vivant qui impulse une énergie réelle à notre monde.


Infos pratiques :

 

Partir du lieu

Jusqu’au 29 mai

 

La maison des arts
105, avenue du 12 février 193, Malakoff

La supérette
28, boulevard de Stalingrad, Malakoff