ARTAGON – Tout pour l’émergence

Par Maya Sachweh30 septembre 2022In Articles, 2022, Revue #29

 

 

Créée en 2014, l’association ARTAGON s’est imposée en quelques années comme un des acteurs majeurs de la scène émergente. Aujourd’hui, trois lieux de résidences offrent espaces et accompagnement précieux aux jeunes créateurs.

Entretien avec les fondateurs Anna Labouze et Keimis Henni.

Quels sont vos parcours respectifs et qu’est-ce qui vous a motivé.es à fonder ARTAGON ?

A.L. J’ai étudié à HEC et poursuivi avec un Master en développement durable et innovation sociale. Keimis, après un Master en droit et histoire de l’art, a travaillé pendant trois ans à la Galerie Kamel Mennour. Nous avons créé ARTAGON pendant nos études, nous avions envie d’imaginer quelque chose pour des artistes de notre génération, des étudiants d’art et de jeunes diplômés.

K.H. Nous avons beaucoup discuté avec les étudiants pour connaître leurs besoins. Les deux principaux éléments qui sont ressortis de ces discussions, c’étaient le manque de contact avec « le monde extérieur » et le manque d’interaction avec des élèves d’autres écoles et d’autres disciplines. D’où est né notre premier projet d’une exposition d’étudiants d’écoles d’art, avec l’idée de faciliter les rencontres des étudiants de toute l’Europe et de les faire connaître à des professionnels : galeristes, commissaires d’exposition, critiques, directeurs d’institutions.

Depuis 2015, vous avez donc organisé ces expositions dans divers espaces parisiens, mais très vite, vous avez commencé à chercher des lieux en gestion propre pour accueillir des artistes et chercheurs en résidence. En 2021, vous vous êtes installé dans les quartiers nord de Marseille, était-ce un choix délibéré ou un (heureux) concours de circonstances ?

 

K.H. Un peu des deux. Marseille nous intéressait parce que beaucoup de jeunes artistes ont envie de s’y installer ou y vivent déjà. On s’est dit qu’il y avait sûrement un grand besoin d’espaces de travail et d’accompagnement. Puis, nous avons eu cette opportunité d’occuper une partie de l’ancienne usine Ricard dans les quartiers nord, donc plutôt à la périphérie, ce qui nous intéressait particulièrement.

A.L. Nous y accueillons 50 résidents, 25 artistes et 25 structures et porteurs de projets culturels pendant un an et demi, avec l’idée de réunir en un même endroit des créateurs de toutes les disciplines. Certes, il y a une dominante arts plastiques, mais il y a aussi de la danse, du cinéma, de l’architecture, des chercheurs, des critiques, des commissaires d’exposition, des médias et des éditeurs indépendants. Ce lieu est une zone ressource pour les créateurs, afin de les aider à créer un réseau et se préparer à la vie professionnelle après l’école.

Et comment cela se passe avec l’entourage, les quartiers nord de Marseille ont plutôt mauvaise réputation ?

 

K.H. Nous avons tout un programme qui s’appelle « les projets partagés » qui sont imaginés en lien étroit avec les habitants du quartier et les structures locales. On a créé des stages de photographie et de design, un ciné-club. Il y a aussi des ateliers de cuisine, d’édition de livres. Le lieu est très ouvert sur le voisinage.

Votre deuxième lieu est très différent. La Maison ARTAGON est une villa cossue du XIXe siècle dans un parc arboré de deux hectares à une trentaine de kilomètres d’Orléans. Quelle est sa spécificité ?

 

K.H. Ici, les résidences sont de courte durée, allant de deux semaines à trois mois, pour cinq personnes en même temps. Ce sont des résidences de réflexion, de recherche, de conception de projets, donc non pas liées à une production. On est sur une autre temporalité et une autre typologie, c’est une sorte de parenthèse, une bulle de respiration. C’est aussi un moment de rencontre très précieux puisqu’on a des personnes de tous horizons, de France, de Belgique, de Suisse ou d’Allemagne, et de tous les champs de création, arts plastiques, cinéma, médias, critique d’art et commissariat d’exposition. C’est un endroit de liberté totale sans aucune attente d’un résultat.

A.L. La seule chose qu’on leur demande et qui nous tient à cœur c’est que ce ne soit pas un lieu « hors sol ». Il y a donc tout un programme de rencontres avec des structures culturelles, scolaires et associatives locales.

Il vous manquait encore un lieu à Paris ou en proche banlieue. C’est maintenant chose faite avec ARTAGON Pantin qui a accueilli ses premiers 50 résidents en septembre 2022. On connaît les énormes difficultés des collectifs d’artistes pour trouver des espaces pas trop précaires. Comment avez-vous réussi à dénicher cet ancien collège qui se déploie sur plus de 4500 m2 avec un hectare d’espaces extérieurs ?

 

A.L. Avec Keimis, nous vivons à Pantin et sommes également co-directeurs des Magasins Généraux, nous sommes donc très liés à la Ville de Pantin. Cela fait maintenant quatre ans que nous leur parlons de notre désir d’ouvrir un lieu en région parisienne et de préférence à Pantin. Finalement, on a pu récupérer l’ancien collège Jean Lolive, qui a déménagé cet été, pour une durée de quatre ans. Cela reste précaire, mais ce n’est pas trop court.

 

Ce sont des projets extrêmement ambitieux avec un budget conséquent. Comment financez-vous tout cela, qui vous soutient ?

 

A.L. Pour le moment plusieurs acteurs publics des différents échelons territoriaux, de la ville au département, aux régions et au Ministère de la Culture. A cela s’ajoutent l’ADAGP et la Fondation Daniel et Nina Carasso.

K.H. On fonctionne surtout grâce à des subventions de projets, avec un budget et un financement annuel. A partir de 2023, nous espérons pouvoir pérenniser les aides au fonctionnement, et nous cherchons activement d’autres partenaires, publics ou privés, pour assurer la pérennité des trois lieux et de tous les programmes mis en place à ces endroits.

 


INFOS :

ARTAGON Pantin – 34 rue Cartier-Bresson 93500 Pantin

ARTAGON Marseille – 13 Bd Jean Bouin 13014 Marseille

Maison ARTAGON – 45530 Vitry-aux-Loges