Art Paris 2023 toujours explorateur
Art Paris fête cette année son 25ème anniversaire avec une édition mettant l’accent sur l’engagement. Entretien avec Guillaume Piens, son commissaire général depuis 2012.
G.K. Guillaume Piens, vous placez cette édition anniversaire sous les termes de puissance et d’engagement ! Deux qualificatifs très forts auxquels vous tenez.
G.P. « Puissance » par sa sélection très rigoureuse de 134 galeries de 25 pays, aux projets extrêmement travaillés, avec un grand effort de présentation des œuvres sur les stands et par des galeries qualifiées d’importance.
« Engagement » dans notre volonté de mettre en avant des sujets traversant les champs de la création agitant le monde. Cette volonté s’ordonne dans les thématiques de l’engagement par rapport à ce qui se passe dans le monde et celle des questions de l’exil.
G.K. Comment vous situez-vous par rapport aux autres manifestations ?
Notre regard, par nos partis pris et nos thématiques chaque année, nous différencient. C’est une façon de promouvoir les tendances comme pouvait l’être le Salon au XIXe siècle. Nous tenons à ce que le Grand Palais Éphémère soit agitateur d’idées, lieu où l’on débatte, et non uniquement un lieu marchand. 40 % des exposants sont étrangers. La part de 60% de français signe la richesse hexagonale et notre attachement à défendre les galeries de régions, la valorisation de la scène française qu’Art Paris promeut et met en avant.
Paris est la seule capitale européenne aux deux rendez-vous majeurs consacrés à l’art moderne et contemporain, deux événements complémentaires et nullement supplémentaires. Avec Clément Delépine, directeur de Paris + by Art Basel., nous partageons une vision identique : la consolidation de Paris, son retour en grâce et son positionnement sur l’échiquier international.
G.K. Cette année, Marc Donnadieu, commissaire d’exposition indépendant, explore la thématique « Art & Engagement » dans une perception de la scène hexagonale. Qu’en-est-il ?
G.P. Cette sélection comprend 20 artistes de générations et de géographies différentes, de la Chilienne Paz Coronachez Filles du Calvaire, dans un travail de mise à nu des corps et des identités, au Zimbabwéen Duncan Wylie chez Backslash, peignant le chaos, l’espoir, la renaissance. De la complexité de la situation et de la condition de la femme africaine sous le regard photographique de la Camerounaise Angèle Etoundi Essamba chez Carole Kvasnevski à Laura Henno, chez Nathalie Obadia, dont photographies et vidéos sont interrogations de communautés en situation d’isolement. Sans oublier la réfugiée afghane Kubra Khademi chez Éric Mouchet ou RaKaJoo chez Danysz, dans l’interrogation de la complexité identitaire.
L’engagement de ces artistes se conjugue avec l’espoir ; chaque vie est espérance dans les souffrances et les épreuves survenues.
Le regard de Marc Donnadieu s’est aussi porté en arrière, vers le Bulgare Jacques Grinberg (1941-2011) chez Kaléidoscope, à l’approche figurative agressive, Paul Rebeyrolle (1926-2006) chez Jeanne Bucher Jaeger, à la peinture généreuse et instinctive, ou le Haïtien Hervé Télémaque (1937-2022), co-fondateur de la « Figuration narrative », chez Rabouan Moussion.
G.K. L’autre thématique « L’exil. Dépossession et résistance » a été confiée à Amanda Abi Khalil, commissaire d’exposition indépendante.
G.P. Vivant entre Beyrouth, Paris et Rio de Janeiro, fondatrice de Temporary Art PlatForm en 2014, elle a choisi 18 artistes. « Partir d’un endroit ne veut pas dire ne plus y être » souligne-t-elle. « L’exil, choisi ou forcé, est toujours subi ».
Le panorama des positions de l’exil aborde la dépossession, la nouvelle culture, le renouvellement de son regard, le contexte socio-politique, du Palestinien Majd Abdel Hamid chez gb agency au Cubain José Ángel Vincench chez 193 Gallery, travaillant autour de définitions de l’exil. L’Ukrainien Boris Mikhaïlov chez Suzanne Tarasieve, développe une photographie sociale, politique et engagée, et le Marocain Nabil El Makhloufi à l’Atelier 21 aborde les foules impersonnelles et oppressantes, hors-temps, quel que soit le contexte.
G.K. Quels sont vos autres focus ?
G.P. « Promesses », secteur dédié à neuf galeries de moins de six ans d’existence. De Baert, venue de Los Angeles avec la Norvégienne Melinda Braathen et l’Allemande Sophie Wahlquist, inscrites dans la figuration, à Angélica Serech,Clara de Tezanos et Diana de Solares à la Galeria Rebelde de Guatemala City, d’Hors-Cadre de Paris avec Lucile Boiron, Clara Imbert et Mathieu Merlet Briand à This is not a white cube de Lisbonne avec Manuela Pimentel et Vanessa Barragão, revisitant le patrimoine ancestral et le geste artisanal.
« Solo Show » avec 16 expositions dans une exploration ou redécouvertes d’artistes modernes, contemporains ou émergents. Tels Louise Barbu (1931-2021) chez Françoise Livinec, féministe pionnière qui fut exposée dès 1974 chez Iris Clert, Andrea Galvani proposant une installation immersive à la galerie suisse Fabienne Levy et Yann Kebbi à la galerie Martel.
S’y adjoignent cette année une dizaine de « Duo Shows », notamment un regard croisé entre deux artistes, tels René Magritte (1898-1967) et Marcel Mariën (1920-1993) à la galerie Retelet.
Je note aussi une présence de la céramique dans de nombreuses galeries dont Anne Wenzel chez Suzanne Tarasiève.
G.K. Art Paris toujours et encore plus, s’impose comme une foire écoconçue ?
G.P. Nous avons été, en 2022, la première foire engagée dans le développement d’une démarche d’écoconception fondée sur l’analyse du cycle de vie. Réduction des déchets de 25 tonnes à 13 tonnes en 2022. Une démarche que nous reconduisons cette année.
Infos pratiques :
Art Paris 25 ans
30 mars au 2 avril 2023
Grand Palais Ephémère, Champ-de-Mars, Paris 7ème