Art Paris 2022 - Résolument environnement
La nature, l’environnement, un engagement souhaité très fort par Guillaume Piens, commissaire général pour Art Paris 2022. Avec Alfred Pacquement, commissaire invité, ils révèlent quelques contours de cette 24ème manifestation.
Vous placez, Guillaume Piens, cette édition d’Art Paris sous le signe d’une démarche d’écoconception. Pourquoi cette volonté, cette puissante inflexion ?
Nous avons souhaité un engagement très significatif en faveur de l’environnement en lançant deux thématiques Histoires naturelles et Art & environnement, orchestrées respectivement par Alfred Pacquememt et Alice Audouin. Celles-ci sont associées à une démarche d’écoconception, une première dans le monde des salons d’art, qui s’appuie sur l’analyse du cycle de vie de la foire, de sa conception à sa disparition. Dans cette crise écologique et la prise de conscience que nous devons avoir, notre relation doit changer à l’égard de la nature et de l’environnement.
Foire réunissant 130 galeries au lieu de 140 l’année passée, 40 participants pour la première fois ou faisant leur retour, 63 % de galeries françaises, vous êtes très attentif à la galerie que vous qualifiez « d’auteur ».
Il y a dix galeries de moins que l’année passée puisque nous avons voulu quelques stands plus grands, jusqu’à 100 m². « La galerie d’auteur » développe une ligne originale ne dépendant pas des modes, s’engage dans une vision nullement spéculative, avec « l’œil » du galeriste. Tels Éric Dupont, Catherine Issert, Anne de Villepoix, Suzanne Tarasieve. Nous sommes attachés à valoriser le travail de galeries émergentes telles l’anversoise Ibasho avec Yoshinori Mizutani, les bruxelloises Irène Laub avec Guillermo Mora, Double V Gallery avec Ugo Schiavi et Maximilien Pellet et Félix Frachon avec Nyaba Léon Ouedraogo. Cette dernière enseigne est incluse dans le périmètre « Promesses » dédié à 9 galeries de moins de 6 ans d’existence, une façon de favoriser les découvertes, comme Galería Rebelde du Guatemala avec Andrés Asturias, Gallery M9 de Séoul avec DuckYong Kim ou la lausannoise Fabienne Levy avec Alina Frieske, tout juste 28 ans.
Fabienne Levy incluse également dans le périmètre de « Solo Show » !
17 galeries défendent un artiste contemporain ou émergent, travail en profondeur de découverte ou de redécouverte par ces expositions monographiques. Zanele Muholi chez Carole Kvasnevski, Jean-Charles Blais, une gloire des années 80 revenant à l’honneur chez Catherine Issert, Shagha Arianna chez Septieme Gallery, Tyler Thacker chez Pact, Tony Toscani chez Stems Gallery ou Julien Colombier chez Le Feuvre & Roze, Vincent Laval chez
Sono ou l’espagnol Carlos León chez Fernando Pradilla.
Sans trop dévoiler, quels seront les contours de cette manifestation qui a réuni plus de 72 000 visiteurs en 2021 ?
Elle revient à son créneau habituel de printemps, 2021 s’étant déroulée dans les derniers jours de l’été pour des raisons liées à la pandémie. Si Alfred Pacquement, sur le thème Histoires naturelles, a sélectionné des artistes de la scène française, j’ai souhaité, dans un axe complémentaire, qu’Alice Audouin, fondatrice et présidente d’Art of Change 21, association reliant art contemporain, environnement, rôle des artistes et de la créativité dans la transition écologique, nous livre le regard de 17 artistes français et internationaux dont les pratiques s’emparent des enjeux environnementaux. L’on pourrait citer la photographe Capucine Vever chez Éric Mouchet, Fabrice Hyber chez Nathalie Obadia, Lionel Sabattéchez 8+1 ou la céramiste Elsa Guillaume chez Backslash.
« FIAC out, Art Basel in », comme le titra un quotidien français ? Le groupe suisse MCH face à RX France filiale de l’anglo-néerlandais RELX Group ? Quelle est votre position ?
Je pense que les relations seront plus « élégantes » avec ce nouvel opérateur. Cette arrivée est très intéressante puisque Paris, dans cette renaissance, devient un passage obligé des collectionneurs et des institutions de l’étranger. Art Paris, devenant la grande foire régionale d’appui de la scène française au printemps avec en contrepartie, à l’automne, une manifestation qui sera très internationale.
Alfred Pacquement, vous êtes cette année « le regardeur » de la scène française avec « Histoires naturelles », votre choix de 20 artistes ou duo d’artistes. Un titre qui renvoie à « Histoire naturelle » au singulier de Pline l’Ancien, au naturaliste Buffon et naturellement à Jules Renard et Toulouse-Lautrec ?
La démarche de Guillaume Piens de soutenir des artistes, qui ont en commun de travailler en France, est intéressante et positive, pour moi ayant toujours participé à la visibilité de la scène française au cours de ma carrière [NDR Jeu de Paume, Beaux-Arts de Paris, Centre Pompidou]. Avec cette thématique, l’on constate que nombre d’artistes aujourd’hui travaillent autour de la nature. Ce titre ouvert exprime les grandes diversités d’approche, la capacité de multiples thématiques. La convergence entre ces questions de société et le travail des artistes me paraissait juste.
Trois artistes décédés – Etel Adnan, Gilles Aillaud, Jacqueline Lamba -, quelques-uns de moins de 35 ans – Hugo Deverchère, Justin Weiler -, plus 15 autres ou duos – Anne et Patrick Poirier, Tursic & Mille -, autant de pratiques, de Carole Benzaken à Barthélémy Toguo ! Une moyenne d’âge de 55 ans.
Tous, des artistes que j’apprécie ou que j’ai redécouverts dans ma sélection de projets proposés par les galeries participantes, des artistes témoignant de démarches variées autour du végétal, du paysage, de la faune, même si ce n’est pas là leur pratique exclusive. Le cahier des charges n’était pas de m’en tenir exclusivement à une seule génération. Je souhaitais insister sur des artistes ayant déjà acquis une reconnaissance mais qu’un plus large public n’a pas encore complètement identifiés.
Outre Jean-Michel Othoniel, Perrotin et Gilles Aillaud, Loevenbruck, votre regard s’est notamment porté sur le tissage avec des végétaux récoltés dans la campagne par Marinette Cueco (88 ans, Univer/Colette Colla), ou le travail sculptural de Guillaume Leblon chez Nathalie Obadia.
Mais aussi Dove Allouche, gb agency, développant des recherches révélant l’invisible, l’étrange, l’original par ses photographies mystérieuses. Johan Creten, Perrotin, dont le bestiaire et le végétal sont sources de son répertoire de céramiste et de sculpteur. Éva Jospin, Suzanne Tarasieve, dans un vocabulaire original confrontant art et allusions à l’architecture classique. Éric Poitevin, Dilecta, et ses photographies de qualité picturale. Autant de supports, de matériaux ou de démarches offrant un panorama stimulant.
Propos recueillis par Gilles Kraemer
Infos pratiques :
Art Paris 2022
7 au 10 avril 2022
Grand Palais Ephémère, Champ-de-Mars, Paris 7e