Art Paris 2021 - Passionnément peinture

 

Pour sa 23è édition, Art Paris non seulement déménage mais se renouvelle, pour devenir résolument un salon « manifeste » d’une peinture figurative « new-look ». Guillaume Piens, commissaire général, et Hervé Mikaeloff, commissaire invité, en dessinent les contours.

 

Guillaume Piens, pourquoi qualifier d’exception cette édition 2021 ?

 L’on quitte le Grand Palais en travaux pour le Grand Palais Éphémère de Jean-Michel Wilmotte, à l’architecture sobre, majestueuse, avec son immense ouverture vitrée sur le Champs de Mars et la Tour Eiffel, qu’Art Paris va inaugurer. Exception avec une liste de galeries de premier plan comme Continua, Lelong, Mennour, Perrotin, Rech, Ropac. De nouvelles venues, telles la galerie Marguo [fondée en octobre 2020] qui présentera Zhang Yunyao, ou celle de Berès [fondée en 1952] avec Mathieu et Vasarely. Cette année 140 marchands et 25 pays sont présents, alors qu’ils étaient 112 de 12 pays en 2020.

Votre ouverture n’est donc pas seulement hexagonale ?

 Si Art Paris met en avant la scène française, nous continuons à être une foire de découvertes, de mixités. Je rappelle les Focus précédents avec l’Asie, l’Afrique, l’Amérique Latine, l’Espagne et le Portugal. Forte de son cosmopolitisme, cette manifestation accueille toujours des galeries venant de géographies lointaines, avec La Balsa Arte de Bogota, Rebelde du Guatemala, De las misiones de Montevideo, Joeun de Séoul ou Le Guern de Varsovie. Il n’y aura pas de Focus dédié à une scène étrangère cette année mais une thématique centrale sur le retour de la peinture figurative portée par Hervé Mikaeloff. L’accent est volontairement mis sur Paris et sa renaissance, « the place to be » aujourd’hui avec ses nouveaux lieux et des galeries internationales nouvellement implantées.

 Parler de la peinture dans une époque post-duchampienne n’est-ce pas étonnant ?

 La génération des jeunes artistes passe par une figuration très liée au besoin de retrouver l’humain et le goût de la manière incarnée. Je songe à Marcella Barceló (Anne de Villepoix) ou à Alin Bozbiciu (Suzanne Tarasiève) dans leur figuration onirique d’un monde très déshumanisé. L’hommage à ce médium dépasse largement le cadre de la sélection d’Hervé Mikaeloff autour du thème « Portrait et figuration. Regard sur la scène française ». De nombreux exposants ont, en effet, accepté de se rallier à ce thème, traduisant ce retour en force de la figuration, régulièrement enterrée en France, mais plus vivante que jamais.

Sans dévoiler ce que l’on verra, pouvez-vous l’évoquer ?

 Un parcours pensé, à la fois mixte, divers, suscitant la découverte et la passion. Outre le choix d’Hervé Mikaeloff, réunissant 20 artistes de 18 galeries, il y aura une vingtaine de solo shows à découvrir ainsi que « Promesses », un secteur sponsorisé par la foire qui soutient la création émergente et les galeries de moins de 6 ans, dont Rebelde du Guatemala, Véronique Rieffel d’Abidjan, les marseillais Double V et Le Cabinet d’Ulysse. Notre parcours VIP met l’accent sur les nouveaux lieux : la Fondation Pernod Ricard, le Fonds de dotation Bredin Prat, Poush, mais aussi le Fonds d’art contemporain-Paris Collections, Carnavalet et le Musée de la Chasse et de la Nature rouvrant après travaux ou l’empaquetage par Christo et Jeanne-Claude de l’Arc de Triomphe.

Hervé Mikaeloff, dans votre choix de la pratique de 20 artistes de la scène française, vous avez privilégié le portrait et la figuration, la figuration au sens classique de la figure, de la représentation humaine. Nulle ouverture sur la nature morte ou le paysage ?

 La volonté de traiter le portrait ou l’autoportrait est présente dans ma sélection mais, si l’on regarde de près, les corps de François Malingrëy sont bien là dans l’atmosphère de ses mystérieux paysages.

Vous montrez un panorama éclectique et foisonnant d’artistes. 35 ans séparent Arnaud Adami (1995), étudiant aux Beaux-Arts de Paris, de Marc Desgrandchamps et Yan Pei-Ming. Quelle est la place du portrait dans l’attitude, aujourd’hui décomplexée, par rapport à l’histoire de l’art ?

 La scène française est diverse, la peinture coexiste avec d’autres médiums, elle n’est nullement ostracisée ; ce sujet n’est pas facile mais interprété de différentes façons. Dans cette idée du portrait, l’artiste est dans un constat d’introspection, dans la recherche de retrouver une identité ou quelque chose de personnel, une intimité, une évidence à revenir à l’essentiel dans notre temps troublé comme Alin Bozbiciu (Suzanne Tarasiève) qui torture les corps ou Bilal Hamdad (H Gallery) dans ses portraits urbains scénographiés.

Revenons aux deux figures « tutélaires » : Yan Pei-Ming et Marc Desgrandchamps, nés en 1960.

Yan Pei-Ming (Thaddaeus Ropac) a toujours été figuratif dans son introspection, sa représentation ou celle de sa famille. Le regard qu’il apporta à ses débuts était nouveau dans cette fulgurance du mouvement et de la composition théâtrale. Marc Desgrandchamps (Lelong & Co) est moderne dans sa réflexion sur la composition, il libère la figuration et ouvre sur autre chose, la fiction surgit de sa peinture. Je peux aussi citer Laurent Grasso (Perrotin), revisitant la période classique dans un univers actuel, twisté par l’apport d’un élément contemporain, perturbateur, se jouant des codes de la peinture classique.

Thomas Lévy-Lasne (Les Filles du Calvaire), attentif à l’hyper-connexion, aux désastres écologiques, dont « la peinture tourne autour d’une esthétisation calme du réel », comme il le souligne, est l’un des artistes choisis. Quelques autres noms ?

 Nazanin Pouyandeh (Sator) pour sa puissance narrative à représenter le corps. Ana Karkar (Hors-cadre) et la distorsion du corps en une approche mentale. Guillaume Bresson (Nathalie Obadia) créant une vie autour de ses personnages au-delà d’une scène urbaine scénographiée. Arnaud Adami (H Gallery) dans le reflet de la précarité de notre société.


INFOS
ART PARIS 2021
Grand Palais Éphémère, Paris 7e
Du 9 au 12 septembre 2021