ALEXIS CHRUN - Au seuil des interrogations

Par Alice Truc12 mai 2021In Revue #26, Articles, 2021

 

Au premier abord, la pratique du portrait d’artiste semble mal convenir aux pratiques polysémiques d’Alexis Chrun. Comment « faire sortir » au grand jour cet artiste discret, qui cultive le rebond et l’esquive – « l’est-ce-qui-veut » selon l’une de ses formules – sans le « réduire à » ? Embrasser les contradictions de l’exercice reste pourtant le meilleur moyen de saisir son travail, tenu dans une incertitude fertile, au seuil des interrogations.

 

Formé à l’atelier Claude Closky, diplômé des Beaux-arts de Paris en 2016 et membre fondateur du collectif in.plano, Alexis Chrun propose des installations, sculptures, livres, créations numériques et projets éditoriaux comme autant de dispositifs enclins à nous « traîner hors » des automatismes de nos modes de représentations, à « dévoiler » leurs conditionnements, leurs constructions, leurs contingences.

Dans cet horizon conceptuel complexe, l’artiste se prête à des jeux sériels variés de déplacements de signifiants, relevés dans un champ de références culturelles hybrides. Le célèbre Oiseau dans l’espace (1923) de Constantin Brancusi se fait ainsi remarquer dans un décor de Star Wars, avant d’être transformé en « sculpture portée » dans un sac de sport (Brancusi Sportbag, 2015) ou imprimé, dans l’aplatissement exact de ses mesures, entre les pages d’un livre (Backswing pour Birdie, 2017). Dernière-née de cette série, l’œuvre Final Boundaries a pris corps dans un compte Instagram inhabituel, conçu comme un espace muséal intermédiaire. Au guichet virtuel, la visite n’est autorisée par l’artiste qu’à un seul abonné à la fois, à rebours des logiques normatives d’audience de la plateforme, afin de proposer une expérience unique et délocalisée de réception de chacune de ses expositions.

Alexis Chrun travaille également ces déplacements dans les champs prosaïques de nos environnements quotidiens. Créés pour la collection de multiples d’Artaïs, les dix papiers comptables de Billet vert (2020), marqués d’un dessin unique et glissés dans des posters poinçonnés, se jouent de notre système monétaire, tandis qu’un agenda s’amuse de nos exigences de productivité par un emploi du temps consacré chaque jour à une seule tâche : dormir.

Ces exercices de renversements, empreints de légèreté et d’humour, s’enrichissent de considérations graphiques et fictionnelles. L’artiste travaille ses mots en relief par l’étymologie, l’anecdote ou la fausse piste, par des installations « thermodynamiques » (HIC) ou des mises en forme poétiques de slogans publicitaires (Ceci est un reflet, vous êtes une phrase écrite). Ce travail fictionnel l’autorise à capturer, dans de récents exercices d’autoportrait et d’autobiographie, les reflets kaléidoscopiques de ses différentes facettes.


INFOS

  • Exposition collective à in.plano courant mai

62 avenue Jean Jaurès, L’Île-Saint-Denis

  • Résident à la Cité Internationale des Arts de Paris en décembre
  • Compte instagram finalboundaries