Abbaye Saint-André, centre d'art contemporain de Meymac

Le réel est une fiction, seule la fiction est réelle

Il y a beau temps que les artistes n’ont plus la volonté de représenter le réel (s’ils l’ont jamais eue…). 

Pour fêter les 40 ans du centre d’art contemporain de Meymac à l’abbaye Saint-André, Caroline Bissière et Jean-Paul Blanchet ont choisi de montrer comment les histoires que nous racontent les artistes nous en disent plus sur notre réalité que la représentation de la réalité elle-même.

Dans un monde incertain, pour mieux comprendre ce qui (nous) arrive, quoi de mieux que de décoller de l’ici et maintenant, de prendre du recul, de la hauteur, de changer de perspective ?

Parmi les 13 artistes sélectionnés, Jan Kopp nous met la tête à l’envers, en suspendant au plafond un champ de 400 chardons. Devenus inoffensifs, magnifiés par leurs ombres sur le mur du fond de la salle, ils nous proposent un retournement salutaire : si le monde marche sur la tête, au lieu de rentrer dans nos tours d’ivoire sécuritaires, réinventons-nous d’autres vies !

L’installation d’Etienne Bossut, juste à côté, nous demande : comment vivre dans du rouge ?  Une couleur qui se diffuse dans tout l’espace, sur le visiteur aussi pour peu qu’il soit habillé de blanc, et qui donne aux objets quotidiens une intensité aggressive que n’ont pas les piquants acérés des chardons.

Lilian Bourgeat, comme à son habitude, joue sur la démesure, avec des « Tréteaux » de 2,40m de haut, alors que l’énigmatique niveau sans bulle d’air installé au mur nous prouve que « La Terre est plate » !

Les joyaux sont souvent cachés, comme le lustre très baroque de Claude Lévêque à découvrir sous un tas de vieux capots de voiture, ou la vidéo de Séverine Hubard « El Tutor », qui n’est visible qu’au bout d’un tunnel de 60cm de haut…  à parcourir courbé en deux ! Un exercice qui n’est pas à la portée de tous.

Dans une vidéo de Virginie Barré, de la neige vient brouiller la vision d’une nature qui pourrait être idyllique : des biches passent, tranquilles… s’il n’y avait en arrière-plan des barres d’immeubles, nous rappelant que la vie sauvage est en voie d’extinction.

Citons encore l’installation de Valérie Mréjen « Mon cher fils », qui mêle une vidéo, des photos anciennes et des textes : lettres ou cartes postales, installés sur des pupitres, nous renvoyant à un passé qui n’est pas le nôtre, et dans lequel, néanmoins, nous pouvons nous retrouver, puisque tout – ou presque – est à reconstituer, imaginer, inventer.

Ainsi, le réel, tel que nous le voyons au travers du prisme de nos sentiments et de nos émotions, est toujours une interprétation. Et dans cette exposition, le centre d’art de Meymac nous donne à voir des oeuvres qui, « partant d’une certaine forme de réel, se développent entre illusion et fiction ».

A chacun d’en faire son miel.

 

Par Dominique Chauchat


Infos :

Abbaye Saint-André

place du bûcher, Meymac (19)

du 7 juillet au 13 octobre 2019