Valentine Gardiennet aux Magasins Généraux

Par Marie de La Fresnaye20 avril 2025In Articles, 2025

 

 

Invitée par les commissaires Anna Labouze et Keimis Henni pour une exposition-résidence aux Magasins Généraux, dans le prolongement de la Triennale de Nîmes, Valentine Gardiennet transforme l’espace en une place de village ou un jeu de Cluedo où l’on croise une joyeuse troupe de théâtre, le fantôme de Don Quichotte, des poupées géantes… autant d’archétypes sociaux personnifiés (l’Amoureux, le bogoss qui attend les poissons, l’artiste…), l’artiste se nourrissant d’ouvrages féministes émancipateurs (Monique Wittig, Kathy Acker). Valentine, membre du collectif le Wonder situé près des Magasins Généraux, a pu avoir accès à certains ateliers pour développer de nouvelles expérimentations sculpturales, le dessin étant sa matrice.

Quel est le contexte de cette invitation ?

J’ai rencontré Anna et Keimis dans le contexte d’une kermesse coorganisée avec Mohamed Bourouissa à l’occasion de la Triennale de Nîmes. Je présentais des boîtes de céréales géantes, M. Paquet, dans cet atelier à destination des enfants devant le Carré d’art de Nîmes.

Qu’est-ce qu’implique le choix du titre « It takes a village… » qui a été coupé ?

Je l’ai imaginé avec les commissaires, l’idée étant de prendre juste le début de la phrase pour faire une digression autour de tout ce que permet cette idée de collectif, à savoir : Il faut tout un village pour lutter, faire son deuil, trouver l’amour, grandir et vivre ensemble. De plus, toute cette phrase fait écho à plusieurs installations dans l’exposition.

Votre pensée est nourrie d’un certain nombre d’autrices littéraires ?

Je suis nourrie de diverses lectures, que ce soit des théories, des BD ou des romans. J’ai notamment beaucoup lu le livre de Starwok qui a inventé un collectif fictif afin d’en faire ressortir tous les archétypes que l’on retrouve dans tous groupes sociaux. Il y a aussi les BD de Julia Wertz, de Salomé Lahoche, ou les livres de Marcia Burnier autour de groupes de meufs qui essaient de trouver des solutions pour s’en sortir.

D’autres influences ?

Jonathan Larson, directeur et auteur d’opéra, a connu une ascension dans les années 1990 à Broadway à l’aube de sa trentaine. Son opéra le plus connu, Rent, était assez novateur dans sa façon d’aborder la vie de ses colocataires, les difficultés pour trouver un emploi dans ce New York en pleine évolution. Il est décédé prématurément à 30 ans du Sida. Ce personnage en carton-pâte fait écho à la figure de l’artiste qui disparait tout d’un coup. J’aime ce personnage et j’aime ses opéras.

Le lit tient une place centrale dans l’exposition comme dans votre vie ?

J’ai imaginé une sculpture qui soit centrale et pouvant accueillir le public qui placé au cœur de tout ce qui est raconté, comme dans un village. J’ai écrit à cette occasion le synopsis d’une partition sonore qui raconterait sous forme de bruitage la vie d’une personne entre préadolescence et jeune adulte. Je suis partie de tous mes enregistrements, des chants familiaux et sonneries de messagerie puis nous avons, avec Clément Berthou qui est monteur son dans le cinéma, passé tout en revue pour ne garder que les bruitages. Un son qui puisse parler à des personnes de toutes générations. Dans cette boucle qui dure 1/2h il y a 4 musiques deux de Clem Solaire, une de Jardino et l’autre de Attention le tapis prend feu, des groupes que j’aime beaucoup.

Quel regard portez-vous sur ces archétypes ?

C’est un mélange de mes fantasmes de fiction et de personnages existants. J’essaie de sortir d’un rapport sarcastique ou cynique pour aller vers des figures empathiques à partir de comportements que j’ai pu avoir. Il n’y a pas de personnages manichéens, c’est un mix de plusieurs sentiments. J’ai développé une certaine empathie car je les fabrique et après ils prennent beaucoup de place dans mon atelier. Je vis avec eux 6 mois dans l’année avant de les montrer dans une exposition. Je me pose aussi la question du stockage et de leur évolution. Les personnifier me permet d’imaginer leur suite ou leur histoire avant leur possible disparition.

Le dessin a une place primordiale dans votre pratique ?

Le dessin est mon medium favori que je pratique au quotidien et grâce auquel je suis entrée en école d’art. C’est un medium avec lequel je suis très attachée car tout part de mes dessins de carnets. Parfois ils deviennent des sculptures ou ils restent à l’état de dessin A 4 /A3. J’aime réaliser des installations car cela permet de montrer toutes sortes de médiums, de changer leur statut et de leur donner de l’importance. Le dessin a souvent été relégué à une forme plus intime ou secondaire dans les hiérarchies des catégories de l’art, c’est pourquoi j’aime lui donner un côté sculptural pour le faire vraiment exister dans l’espace.

Le Wonder, quel bilan de l’aventure ?

J’ai rejoint le collectif il y a 5 ans en postulant pour un atelier. Juste après 1 an j’ai habité avec elles.eux. Nous sommes 60 artistes résidents.es, un peu comme dans une école ou un grand groupe qui réunit des personnes très différentes dont certain.es avec qui j’ai noué des liens d’amitié forts. Cela me permet d’avoir de l’espace dans cette ancienne carrosserie automobile que nous avons entièrement réaménagé. C’est une chance d’avoir l’opportunité de produire à partir des différents ateliers métal, bois, céramique, vidéo, son.

 

Valentine Gardiennet , It takes a village

Magasins Généraux, Pantin

Jusqu’au 18 mai

 

100 % L’EXPO à La Villette

Jusqu’au 11 mai