Après la fin. Cartes pour un autre avenir

 

Dans le prolongement de la 35e Biennale de São Paulo, le commissaire et ancien directeur du MACBA Manuel Borja-Villel, suite à l’invitation de Chiara Parisi directrice du Centre Pompidou Metz, convoque 40 artistes internationaux qui décolonisent les récits à rebours d’une conception linéaire eurocentriste et à partir de territoires et de groupes à la marge et invisibilisés, dans un spectre allant du XVIIe siècle à nos jours.

 

 

 

Marie de la Fresnaye : Les notions de mémoire (Aline Motta, Ellen Gallagher) de vernaculaire (Victor Anicet, Frank Walter), de frontière (Yto Barrada, Ahlam Shibli), de politique et d’émancipation (Sarah Maldoror, Mounira Al Solh) et de modernités plurielles (Rubem Valentim, Wifredo Lam, Baya), irriguent cette constellation de gestes, sans chronologie ni chapitrage d’un sud global métissé entre les Caraïbes et la Méditerranée. Quelle a été votre méthodologie dans le choix des artistes ?

Manuel Borja-Villel : Plus qu’une exposition classée par thèmes ou catégories, elle est pensée comme un canevas dans lequel différentes histoires se croisent et s’entrecroisent. Un fil mène à un autre entre l’eau et la terre, la mer et le désert mais aussi l’Atlantique et la Méditerranée, dans un jeu complexe qui a commencé il y a plus de cinq siècles. Si comme nous le savons, le colonialisme est un système fondé sur le racisme et la violence systémique, l’art a joué un rôle important dans ce système, en tant qu’agent colonisateur contribuant à imposer certaines cultures à d’autres. Mais ce même art est capable d’ouvrir des failles, de récupérer des voix réduites au silence, de configurer des espaces de résistance et, ce faisant, d’imaginer la possibilité d’autres mondes.
Nous passons ainsi du travail et de la collaboration avec des artistes amazighs du sud du Maroc comme le collectif Tizintizwa (Soumeya AIT Ahmed et Nadir Bouhmouch) ou l’artiste M’barek Bouhchichi à la relation au territoire d’auteurs des Caraïbes, comme Wifredo Lam ou Frank Walter. Ou encore des images du détroit entre le Maroc et l’Espagne d’Yto Barrada aux espaces « gardés » de la Cisjordanie photographiés par la palestinienne Ahlam Shibli.

MdF : Comment se fait la répartition entre artistes contemporains et modernes ?

MBV : L’exposition se situe dans le présent et par conséquent le nombre d’artistes contemporains est important. Un certain nombre d’œuvres ont été produites spécifiquement pour l’exposition, ce qui concerne Philip Riszk, Alejandra Riera et Olivier Marboeuf, par exemple. Mais l’histoire n’est pas une succession de moments étanches, séparés les uns des autres. Le présent, le passé et le futur s’entremêlent sur la base de continuités et, bien sûr, de ruptures. C’est pourquoi il y a aussi un nombre important d’auteurs modernes, comme Rubem Valentim, Wifredo Lam, Maya Deren ou Katherine Durham.

MdF : Comment le catalogue accompagne-t-il et prolonge-t-il l’exposition ?

MVB : Le livre, comme le ferait un guide, sert à nous orienter à travers des rapprochements et associations proposés par l’exposition, même si le livre a aussi une vie propre, qui se poursuivra après la fin de l’exposition. C’est pourquoi la séquence des auteurs et des œuvres n’est ni alphabétique ni chronologique, mais s’établit par relations et affinités. De même, compte tenu de la nature de l’exposition, le catalogue ne commence pas par un texte curatorial mais par un dialogue. Plutôt que des conclusions, le livre se veut une ouverture.

 

 

Infos pratiques

Après la fin. Cartes pour un autre avenir 
Jusqu’au 1er septembre 2025
Centre Pompidou Metz