5e édition Crush aux Beaux-Arts de Paris
Horya MAKHLOUF, critique d’art et coordinatrice artistique au Palais de Tokyo, est l’une des commissaires avec Julia Marchand et Chris Cyrille-Isaac de l’édition 2025 de Crush autour de 79 étudiant.e.s de 4e et 5e année aux Beaux-Arts de Paris. Elle revient sur les partis prix méthodologiques et scénographiques qui l’ont guidée et la diversité des médiums et pratiques propres aux Beaux-Arts de Paris.
Quel est le contexte de cette invitation pour Crush ?
J’ai été invitée par Mélanie Bouteloup, responsable des expositions, à être l’une des trois commissaires de cette édition de Crush avec pour principe de ne pas procéder à une sélection mais de répondre à toutes les demandes. Crush a eu l’occasion de tester de nombreuses modalités et cette formule à trois voix me semble pertinente. Nous sommes partis de 80 candidatures que nous nous sommes réparties de façon neutre par ordre alphabétique. Chacun.e des artistes a eu un entretien lors d’une visite à l’atelier, ce qui a été une expérience très stimulante autour d’une vraie diversité de pratiques. Ensemble, nous avons choisi une œuvre qui représente le mieux l’état de leur travail à cet instant donné pour faire partie de cette installation qui est régulièrement utilisée aux Beaux-Arts et qui reste modulable. L’idée était de trouver le juste milieu pour que chacun se sente à l’aise et bien représenté.
Qu’est ce qui ressort, selon vous, de ce panorama ?
Avec mes deux collègues commissaires une fois la sélection aboutie et au fur et à mesure de nos réunions autour de l’organisation et répartition dans l’espace des différentes œuvres, nous avons réalisé que certains thèmes revenaient. Dans la mesure où les artistes sont à l’écoute du bruit du monde, ils incarnent le reflet de ce qui traverse notre société : une certaine attention au vivant, à l’organique, au paysage industriel et aux enjeux écologiques tout en ayant à cœur de représenter leurs propres histoires personnelles pour les fondre dans des histoires plus collectives, que cela passe par de la peinture, des archives, de la vidéo, des installations avec une manière d’investiguer et d’interroger le white cube. La pluralité des médiums est l’une des spécificités des Beaux-Arts de Paris, de même qu’un réel talent des étudiants.
Pouvez-vous revenir sur certaines œuvres particulièrement marquantes ?
Commençons par Kiek Nieuwint, à la fois artiste régisseuse, dessinatrice, et entremêle toutes ces pratiques à l’intérieur de cette grande colonne de dessins sur des scotchs qu’elle récupère de son travail de régisseuse. Ces reliquats sont recomposés dans un geste de réappropriation dans un héritage moderniste de la colonne sans fin. Une présence très poétique et douce au monde que j’apprécie.
Parisa Mousavi propose une installation et une performance très délicate dans l’attention au corps, à la manière d’interagir ensemble, de faire avec l’espace et les espaces, les interstices que l’on habite ou pas. Ses performances sont très souvent collaboratives, entre le geste, la danse et l’installation autour d’œuvres qui rejoignent les questions abordées par son corps.
Mehdi Guinchard, pour cette œuvre intitulée Le travail, s’est inspiré d’une statue du XIXème siècle érigée sur une place centrale de Mulhouse en l’honneur des travailleurs. L’artiste s’identifie beaucoup à cette figure ayant lui-même beaucoup travaillé avant de faire une reconversion et devenir étudiant aux Beaux-Arts de Paris. Il aborde de nombreux rapports à la peinture, entre graffiti, aérosol et peinture à l’huile, dans une habilité à joindre des traditions picturales et patrimoniales aussi différentes. Cette phrase est presque devenue sa devise « Fortitudo e dolore/courage et douleur ».
Dahlia Rebecca investit le son, la performance et la comédie musicale. Elle réalise pour la première fois une sculpture en carton dans une esthétique DIY qu’elle va activer lors d’une performance. Cette voiture chante son besoin d’être conduite et d’être amoureuse. Une introduction pour un opéra en puissance. Des histoires de carrosseries et de projections virilistes.
Joséphine Loembe-Sauthat a un vrai savoir-faire en gravure. Elle procède par rébus et associations de gestes. Cette plaque de gravure représente une carte postale avec un horizon d’une station balnéaire. Quand on se rapproche l’on aperçoit les détails de cette plage et les variations possibles de cet exotisme associé à une telle vision. Ces deux tiges de bois encadrent la scène et la maintiennent en équilibre précaire.
En termes de vidéo, Anaïs Legros propose une reconfiguration en 3D de son propre personnage en train de chanter une chanson d’amour en espagnol qui parle de rupture amoureuse et de rebond. L’artiste gravite entre les univers de la vidéo, la performance, la musique.
Infos pratiques
Crush
Jusqu’au 16 mars
Beaux-Arts de Paris, Cour vitrée
14 rue Bonaparte, Paris 6e
Tous les jours de 13h à 19h