PhotoSaintGermain 2024 - Aurélia Marcadier
La 13ème édition de PhotoSaintGermain a ouvert le champ des possibles avec de nouveaux lieux (École Penninghen, Galerie Gallimard…), des temps forts (Nuit du photojournalisme…), l’émergence (Beaux-Arts de Paris x École nationale supérieure de la photographie Arles), de nouvelles expositions (Cnap x galerie du Crous, Saison de la Lituanie en France…), le lancement du réseau LUX regroupant 21 festivals et foires de photographie en France, et de nombreuses productions. Aurélia Marcadier, directrice artistique et membre fondatrice du Réseau LUX, nous a dévoilé les géographies et forces en présence. En principe terminé, le festival joue les prolongations !
Marie de la Fresnaye. Avec quel état d’esprit avez-vous envisagé cette 13ème édition ?
Aurélia Marcadier. Avec enthousiasme, chaque édition est un nouveau challenge pour proposer au public, de plus en plus fidèle, une programmation autour de projets inédits.
MdF. Quelles sont les nouveautés 2024 ?
AM. 5 nouveaux lieux ont rejoint le festival (8lithèque, l’école Penninghen, la Galerie Gallimard, la Librairie Alain Brieux, les Salons du Doyen de la Faculté de Pharmacie (Université Paris Cité) et 8 co-productions pour lesquelles nous nous sommes beaucoup investies ! Cette année, le festival s’est enrichi de nouveaux partenaires : la Fondation Louis Roederer, l’Académie des beaux‑arts, dont le soutien porte sur la production du projet Room Service à l’hôtel La Louisiane ; OGF, premier opérateur de services funéraires en France autour de la production de l’exposition Les Immortels à la Librairie Alain Brieux autour d’images de photographies post-mortem jamais encore dévoilées.
A noter que le Journal SIMONE, disponible gratuitement dans les lieux du quartier, revient cette année !
MdF. Le nombre de coproductions augmente pour arriver à 8 cette année : quelles sont vos logiques de financement ?
AM. Le financement intervient au cas par cas : soit je pars d’un projet que je propose à un lieu, soit le lieu nous contacte avec un projet. Nous construisons au fur et à mesure de vrais liens de confiance.
Si l’on prend le Musée d’histoire de la médecine, le financement et le commissariat se font en interne à partir de leur fonds photographique. L’exposition se penche sur la figure engagée du Dr Bourneville autour de ses actions en faveur des enfants considérés comme aliénés et en marge de la société. Nous gérons toute la coordination et la production. Pour les Salons du Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris, nouveau lieu du festival, nous finançons la totalité du projet. L’exposition « Années 1930 et modernité : l’âge d’or des revues médicales » a comme ambition de mettre en avant trois revues médicales emblématiques qui ne se focalisent pas sur la médecine mais abordent des sujets autour de l’art de vivre et de la culture en mettant en avant des grands noms de la photographie.
MdF. L’exposition « Situation de l’image » a regroupé des oeuvres des étudiant·e·s-artistes des Beaux-Arts de Paris et de l’École nationale supérieure de la photographie à Arles et a mis en avant le rôle de tremplin du festival
AM. Nous collaborons avec les Beaux-arts depuis plusieurs années et c’est la première fois que nous nouons un partenariat avec l’École nationale supérieure de la photographie. C’est Véronique Souben, la directrice de l’ENSP qui m’avait sollicitée l’année dernière pour imaginer un évènement pendant Paris Photo. Nous avons proposé aux Beaux-arts une exposition pour montrer les différentes spécificités de chaque école. Le public a une curiosité réelle pour la jeune création et découvrir les lieux où se forment les artistes de demain, de plus nous évoluons dans un tissu très riche d’écoles. Dans ce sens de tremplin, l’école Penninghen a aussi ouvert ses portes les premiers jours du festival. Il est important pour les jeunes artistes d’être repérés dans ces nombreux circuits.
MdF. Le Cnap et la galerie du Crous
AM. Il s’agit de la 2ecollaboration avec le Cnap. Cette année avec Pascal Beausse, avec qui j’assure le co-commissariat, nous avons choisi 3 photographes rassemblés autour du thème de la mémoire : Laura Ben Hayoun Stepanian, Michel Slomka et Lotfi Benyelles. Tous les trois sont d’anciens lauréats de la Bourse de photographie documentaire du Centre national des Arts plastiques.
En établissant un parallèle entre l’historiographie et la photographie, ces artistes enquêtent sur des moments et des lieux importants de l’histoire mondiale : le génocide arménien et ses traces aujourd’hui avec Laura Ben Hayoun Stepanian, les camps de concentration et leur mémoire encore ensevelie et réexaminée avec Michel Slomka, l’histoire des vies et formes d’une ville marquée par les processus de colonisation et de décolonisation avec Lotfi Benyelles.
MdF. La Saison de la Lituanie en France : les expositions
AM. Nous avons eu deux projets dans le cadre de la Saison de la Lituanie en France. D’une part, une exposition à l’hôtel La Louisiane avec le photographe Antanas Sutkus dont le commissariat a été assuré par Sonia Voss. Cette remarquable série revient sur l’été 1965, quand Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir firent le voyage jusqu’en Lituanie et dont les emblématiques photos ont été prises dans les dunes de Nida. L’occasion de remettre en lumière la présence de Simone de Beauvoir jusqu’ici mis à l’écart dans l’imaginaire collectif. Il est amusant de préciser que Jean-Paul Sartre s’installe à la Louisiane en 1943, hôtel connu pour sa tradition d’accueil des artistes depuis les années 1930.
La deuxième exposition présente Marilia Destot à la galerie Ségolène Brossette autour d’un voyage poétique et mémoriel vers ses origines juives lituaniennes.
MdF. Sonia Delaunay a été mise à l’honneur par deux galeries
C’est tout l’esprit de PhotoSaintGermain de faire dialoguer deux galeries : la peinture de Sonia Delaunay à la galerie Zlotowski et les archives photographiques Roger Viollet qui dévoilent l’univers plus intime de la peintre à travers les artistes et les lieux qu’elle a côtoyés.
MdF. Vous avez été curatrice de Room Service#3 à La Louisiane : pouvez-vous nous raconter les contours de l’exposition ?
AM. Les chambres de l’hôtel appellent à explorer l’univers de l’intime. C’est la 3e édition et cette année j’ai voulu orienter mon choix d’artistes autour des représentations du corps. Les 10 artistes se sont répartis dans 9 chambres et la cafetéria. Le corps est abordé sous différents aspects. Citons Gil Lesage qui a documenté sa famille et son enfant Castiel qui à 16 ans a commencé une transition de genre. Un témoignage lumineux et fragile.
Citons également la démarche Hélène Giannecchini & Félixe Kazi-Tani, un artiste et une autrice qui se sont questionnés sur l’absence d’images de femme en train de manger dans une installation qui mêle photo et littérature. Le collectif Lusted Men est revenu au festival à l’occasion de la sortie du livre réunissant 5 années de collection, archive vivante de photographies érotiques d’homme. L’artiste Shuwei Liu a abordé le corps comme paysage dans la tradition chinoise. Le corps comme territoire politique est convoqué par Marianne Marić à la suite d’une résidence à Sarajevo et l’histoire tragique de sa sœur Yéléna, mannequin à Paris.
MdF. Vous êtes membre fondateur du réseau LUX qui fédère foires et festivals de photographie en France et donne à voir à Paris de nombreuses expositions : quels sont les enjeux du réseau et de l’exposition parisienne ?
AM. Il s’agit de mutualiser pratiques et expérience de coopération, d’entraide et d’éco-responsabilité et de donner de la visibilité à des artistes dans des logiques de coproduction. L’exposition « LUX #1 » regroupe pour la première fois des propositions (expositions, projections, …) de 21 festivals/foires dans un ancien tri postal du 9e arrondissement. L’ensemble des organisateur·ices de foires et festivals français unissent leurs forces pour créer un évènement qui illustre leurs actions sur le territoire, preuve de la puissance du maillage de ces organisations en France. PhotoSaintGermain y expose le travail de l’artiste Pascal Amoyel.
Entretien réalisé par Marie de la Fresnaye
Prolongations – 13ème édition PhotoSaintGermain
30 novembre
Abraham & Wolff, Catherine DeLattre, Shoppers, Broadway Upper West Side, NYC, 1979- 80 and other corners
Centre tchèque de Paris, Maison éphémère de la photographie contemporaine tchèque
Galerie Arenthon, Julie Laporte, Celeste
Galerie Berthet-Aittouarès, Georges Goldfayn, assistant et ami d’André Breton. Une passion surréaliste
Galerie Olivier Waltman, Linda Tuloup, Brûlure
8 décembre
Réseau LUX #1
ANCIEN TRI POSTAL
30-32, rue Louise-Emilie de la Tour d’Auvergne, 75009 Paris
9 décembre
Galerie Catherine & André Hug, Susan Burnstine, in Dreams
12 décembre
Librairie Alain Brieux, Les immortels
14 décembre
Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, Eulàlia Grau, Collages
Galerie Le Minotaure × Galerie Kaléidoscope, Carl Strüwe, Edmund Kesting, Erwin Blumenfeld, Man Ray, Raoul Ubac…, Surréel. Trois petites histoires surréalistes
17 décembre
Quai de Solférino, Clara Prioux, PRENDRE FORME
20 décembre
Centre Culturel Irlandais, Sharon Murphy, Mise en abyme
Galerie Madé, Julien Magre, Silence
21 décembre
delpire & co, Rebecca Topakian, Dame Gulizar and Other Love Stories
Zander Paris, Robert Frank, Flower is
11 janvier
Galerie Eric Mouchet, Christine Crozat & Bertrand Hugues, Solanium Baratiae
Librairie 7L, Thaddé Comar, Aujourd’hui
25 janvier
Musée d’Histoire de la Médecine, Université Paris Cité, L’enfance aliénée sous l’œil du Docteur Bourneville
3 février
Musée national Eugène-Delacroix, Bayeté Ross Smith, Our Kind of People