Stéphanie Mansy : quand le papier devient mémoire

Par Francesca Rozzi29 octobre 2024In Articles, 2024

 

Stéphanie Mansy (née en 1978), artiste originaire de l’Oise, explore le potentiel du papier comme médium artistique depuis ses débuts. Sa nouvelle exposition, « Les murmures du papier : échos de paysages enfouis », qui se tient actuellement à la Galerie F. de Senlis, est le fruit de deux résidences artistiques : l’une à la Casa de Velázquez à Madrid en 2023, et l’autre à la Galleria Continua dans la vallée papetière du Creux de l’Enfer en juillet 2024.

A la Casa de Velasquez, Stéphanie Mansy s’est particulièrement intéressée aux paysages en Espagne imprégnés de la mémoire des événements tragiques liés à la guerre civile, comme ceux des fosses communes du franquisme. À travers ses captations sonores et visuelles et ses esquisses prises sur place, elle cherche à révéler ce qui est caché sous la surface. La série Les manquants, présentée dans l’exposition, est un témoignage de cette recherche. Le papier devient, sous son regard et ses mains, un support de mémoire et témoin de l’histoire ; pour elle, chaque feuille incarne une trace, qu’elle soit historique, sociale, ou politique. L’artiste utilise des techniques de frottage et de gravure pour rendre et faire émerger ces strates de mémoire, donnant à voir des paysages qui semblent à la fois figés et traversés par des traces entre le visible et l’invisible. Cette recherche l’a menée à étudier les archives des institutions telles que le musée du Prado et à interroger également les pratiques de conservation du dessin. Toutefois, son intérêt va au-delà de la préservation puisqu’elle retient de ses recherches l’altération du papier comme un processus de transformation.

Lors de sa résidence chez Galleria Continua, Stéphanie a approfondi sa réflexion sur l’altération du papier à travers le temps. Stéphanie Mansy plie, gratte, frotte et manipule le papier, transformant cette matière en un support vivant. Dans son atelier, son geste devient performatif. Elle utilise des matériaux naturels récupérés sur place, tels que des pierres ou de l’eau, pour altérer la surface et recréer les sensations qu’elle a enregistrées dans le paysage. Ce lien entre le geste et la matière est essentiel dans son travail. Le son, notamment celui des frottements et des griffures sur le papier, joue un rôle crucial dans son processus créatif. Le dessin ne se limite pas seulement à une représentation visuelle, il devient également une résonance des captations sonores qui l’ont précédé.

À travers cette exposition, Stéphanie Mansy interroge le rapport entre mémoire et transformation. Ses œuvres, où se mêlent mémoire historique et altérations matérielles, invitent à repenser les potentialités infinies du papier, support qui devient symbole, à la fois de fragilité et de résistance, d’une réflexion sur le passage du temps et les traces qu’il laisse.

 

Infos pratiques

« Les murmures du papier : échos de paysages enfouis »

Galerie F.

du 25 octobre au 18 janvier 2025

27 rue Saint-Pierre, 60300 Senlis