Kindred Spirits : exposition éphémère
62 rue Charlot, l’adresse éphémère de cette réunion d’amis à laquelle vous êtes conviés par l’artiste et commissaire Luke James. Entrez par la porte grande ouverte, ne soyez pas timide ; vous êtes presque chez vous ici. Bleu canard, rouge pourpre, bois vernis : habité, l’endroit vide de meubles est peuplé d’esprits, des anecdotes et des complicités entre œuvres, entre artistes.
Dans le séjour, une branche de ronce est suspendue, qui s’effeuille de ses fruits d’étain. L’automne est déjà bien entamé. C’est un nœud central, le foyer aux reflets de bronze qui tourne sur son propre axe et rassemble ceux qui l’entourent dans sa spirale. Les œuvres font échos aux anecdotes qui les composent. Quelle branche ramassée en la compagnie de tel artiste, tels morceaux d’étains trouvés dans les fournitures d’une grand-mère… Hugo Pernet fait écho à ce feu de joie, avec sa peinture d’arbre renversée dans l’âtre. Au mur, deux tirages argentiques de Lucas Laperrière, fixant les micro oscillations d’un paysage à priori immobile, devenu frémissant.
La visite se poursuit. Une masse organique et boursouflée trône dans la pièce suivante. Elle est sans visage mais symptomatique d’une vie intérieure, peut-être celle imperceptible de la bibliothèque qui habille le mur. Sur les étagères, un véritable portrait de famille : une touche de piano, une roche, une ficelle blanche ou une photographie. Le regard cheminant bute sur les billes de verre disséminées auprès de chaque curiosité par Luke James. Pareilles à cet œil de lumière du crapaud de Tristan Corbière, ces billes sont les éclats d’une intelligence complice de l’artiste pour le spectateur averti des anecdotes chuchotées ici. Et au coin d’un encadrement de fenêtre, la vision surréaliste d’une descente de Bourgogne, coquilles d’escargots et poignées de portes en cuivre unanimement mêlées, la carte postale mimée de Luke James pour sa terre d’origine.
Le cabinet de dessins ouvre un espace singulièrement différent. On y retrouve, entre autres, deux oiseaux de l’artiste peintre Sylvain Roche, encore engourdis par les touches de pinceau ; et une série de quatre empreintes à la cire de Luke James, Cire est sentir. L’artiste appose le sceau de sa main adulte dans la cire dense qui dépasse les contours reportés des mains inconnues.
S’ensuit dans un espace intermédiaire, doté d’une légère marche qui vous fera butter, une œuvre d’Estèla Alliaud. Sur un renfort blanc, une plaque de verre protège un rectangle entaillé d’argile blanche, et ces trois pelures d’oignon, ciselées parfaitement, à peine déposées. Condiment du quotidien, la pelure s’invite dans le cadre, avec la légèreté du résidu volatile. Une autre sculpture de l’artiste, comme endormie, veille aux alentours pour ceux qui sauront la trouver.
Dans ce qui fut une chambre, vous verrez le long d’une ligne d’horizon, les oiseaux de Luke James en vol sur des ciel de plomb ; à terre des bouteilles à la mer avec une goulée de béton ; et une carte à jouer avalée dans leur fond. Indice discret, redondant, la carte se glisse aussi dans Chambre avec vue de Luke James, coquillage posé sur un miroir qui voit ainsi se répéter son reflet, et l’intérieur – as de cœur – de sa spirale naturelle.
Vous avez ainsi fait le tour du propriétaire, rencontré beaucoup d’autres artistes. Vous êtes presque un habitué désormais. C’est que cette exposition appartient à un autre registre, celui du familier ; et elle offre une nouvelle perspective de présentation pour l’art contemporain.
Infos pratiques
62 rue Charlot, 75003 Paris
Entrée libre
Lundi 27 octobre : 9h – 14h