La science au service de l’imaginaire

Par Paul Neltner3 octobre 2024In Articles, 2024

 

 

L’Institut finlandais expose cet automne le travail de deux artistes de la scène contemporaine finlandaise – Anna Niskanen et Josefina Nelimarkka – qui proposent un regard sensible sur l’environnement.

Futurs Horizons est le titre donné à l’exposition par son commissaire Stefano Vendramin et les artistes qui questionnent ici les manières dont nous percevons le monde qui nous entoure en tentant d’apporter des solutions à l’impasse du Capitalocène*.
De quel horizon parle-t-on ? Est-ce une limite de la perception ? Un regard porté vers un espace potentiel ? En y accolant le terme « futurs », l’exposition semble y répondre d’emblée. Josefina Nelimarkka et Anna Niskanen placent la science au cœur de leur pratique et exploitent l’horizon comme une aire de projections et d’imaginaires.

À travers un ensemble de procédés d’enregistrement et de compilation de données scientifiques, Josefina Nelimarkka sonde les traces – visibles et invisibles – du climat. Elle retranscrit ces données à l’aide de différents supports comme le verre, le textile ou la vidéo. Les vidéos Supersaturation, réalisées en collaboration avec l’Institute for Atmospheric and Earth System Research de l’Université d’Helsinki, montrent la symbiose entre l’air, les nuages et les forêts boréales. L’artiste propose une immersion sensorielle dans les mécanismes physiques d’interaction entre le ciel et la terre, hypertrophiant ainsi les phénomènes naturels afin d’approcher la partie insaisissable du réel.

Les nuages sont aussi nombreux dans les œuvres d’Anna Niskanen. Par l’usage du cyanotype, elle agrège différents paysages pour obtenir une seule image, à l’apparence harmonieuse. Une sensation de bouillonnement se dégage de ces reconstitutions. Elle capture les mouvements du monde et les colore avec des éléments naturels prélevés dans la nature.

Par leur proximité avec la science, les artistes explorent les processus de production de connaissances en s’attardant sur la sensibilité des phénomènes naturels. Elles utilisent l’esthétique comme outil de médiation scientifique, offrant au regardeur une fenêtre sur la subjectivité de l’environnement. Ainsi, elles complexifient les perceptions anthropocentrées de la réalité et inscrivent leur travail dans une esthétique environnementale expérimentale. Devant cette valorisation de la composition unique de chaque être ou chaque objet, le spectateur s’attendrit sur la beauté de la nature en mouvement.
Telle est la déclaration de cette exposition : c’est par le sensible que l’horizon du Capitalocène pourrait être dépassé.

*Néologisme désignant sensiblement la même réalité phénoménologique que l’Anthropocène, utilisé par certains scientifiques pour désigner l’ère géologique actuelle, débutant avec le développement du système capitaliste, qui serait marquée par l’influence sur la biosphère et le climat.

Info

Futurs Horizons
Anna Niskanen et Josefina Nelimarkka
Du 4 octobre au 21 décembre 2024
Institut finlandais, 60 rue des Écoles, Paris 5e