Le Pavillon du Vatican dans une prison pour femmes
A la demande du cardinal José Toledo de Mendonça, dicastère du Vatican, les commissaires Bruno Racine et Chiara Parisi ont invité une dizaine d’artistes à exposer dans une prison pour femmes de la Giudecca (un ancien couvent du XIIIe siècle), représentant le Pavillon du Vatican pour la Biennale de Venise. Parmi les 80 détenues condamnées à de lourdes peines, dix ont été formées pour devenir guides et accompagner les visiteurs inscrits au préalable, enregistrés et délestés de tout appareil photographique ou téléphone.
Pour cette exposition intitulée « Con i miei occhi » (De mes propres yeux), la plupart des artistes (Maurizio Cattelan, Bintou Dembélé, Simone Fattal, le duo Claire Fontaine, Sonia Gomes, Corita Kent, Marco Perego et Zoe Saldana, Claire Tabouret) ont travaillé avec les détenues.
Le lond d’un canal en dehors des circuits touristiques, l’image de la plante de pieds nus apposée sur la façade extérieure de la chapelle de la prison, œuvre de Maurizio Cattelan en référence au Christ mort de Mantegna, attire notre regard avant de pénétrer par petits groupes à l’intérieur de l’enceinte, accompagnés par la police pénitentiaire. Nous parcourons un long couloir aux murs de briques où sont accrochées les plaques de lave volcanique émaillées sur lesquelles Simone Fattal a inscrit les lettres et poèmes de quelques détenues révélant ainsi leur propre ressenti. Un potager s’offre au regard, où chacune peut s’adonner à la culture de fruits et légumes qui seront vendus régulièrement aux habitants de l’île. Une fenêtre ouverte de l’atelier sur ce jardin, seule fenêtre sans barreaux de l’édifice, permet ainsi de rêver au monde extérieur et à un avenir meilleur nous avoue notre guide.
Après être passés par la cafétéria où Corita Kent a tapissé les murs d’affiches graphiques avec des slogans qui reflètent son engagement pour la justice sociale, nous pénétrons dans la cour principale où est suspendu le néon “Nous sommes avec vous dans la nuit” de Claire Fontaine allumé nuit et jour et visible des cellules “une façon de se savoir soutenue par nos proches” nous précise notre guide.
Dans une poignante vidéo, Zoe Saldaña et Marco Perego mettent en scène les relations entre les détenues, très émouvant témoignage de l’amitié féminine et de la difficile vie intérieure de recluse. Dans l’antichambre de la chapelle les portraits, réalisés par Claire Tabouret à partir de photographies des enfants et familles de ces femmes, rappellent des liens indéfectibles dans ces moments d’intimité. La chapelle déconsacrée accueille l’installation sonore de Sonia Gomes, constituée de suspensions colorées réalisées à partir de vêtements et objets récupérés. Emues, nos guides nous montrent le siège où le Pape François s’est assis lors de sa visite en avril puis elles s’effacent discrètement en nous remerciant d’être venus partager un moment avec elles et de les avoir écoutées.
Une belle façon d’illustrer le discours du Pape prononcé aux artistes en avril 2023 « d’être les porte-parole du cri silencieux des pauvres et de ceux qui vivent dans des conditions de vie difficiles ».
Legende des images: Padiglione della Santa Sede, 60. Esposizione Internazionale d’Arte – La Biennale di Venezia, « Con i miei occhi« , ph. Marco Cremascoli ©Biennale de Venise