The Infinite woman ou la Femme tisseuse du monde.

Par Genevieve Roussel13 juin 2024In Articles, 2024

 

 

Comme dans un lieu sacré, pour mieux communier avec le sujet, c’est pieds nus que l’on entre dans l’univers de la fondation Carmignac, éminent lieu d’art contemporain, rose des sables de l’ile enchantée de Porquerolles. Et ce pour un thème qui interroge, la femme maîtresse du monde, matricielle, vierge au 15e siècle pour Sandro Botticelli ou beauté censurée pour Roy Liechtenstein en 1990. Outre ces tableaux majeurs de la collection Carmignac, 60 œuvres mettent en question la manière dont depuis six décennies la femme traverse l’Histoire.

 

Tantôt poétiques, politiques, ludiques, les artistes déconstruisent l’archétype de la figure féminine. L’imagerie populaire a fixé dans les esprits l’image de Pénélope sacralisant le travail textile en attendant Ulysse. Mais la matérialité a changé les codes, avec des femmes mythiques, fortes, lascives ou fatales. Aux oubliettes désormais, les travaux consacrés à la broderie, macramé, crochet, travail à l’aiguille !

À travers ces soixante dernières années, Infinite woman démontre que la fonction décorative, y compris de la céramique, a laissé place à des œuvres puissantes, iconoclastes. Lee Bul et Alina Szapocznikow métamorphosent les matériaux classiques immémoriaux et extrapolent avec la résine ou le silicone.

D’autres représentations féminines, certaines familières, indépendantes, troublantes, sacrées, nourricières, sont femmes araignées pour Louise Bourgeois, Frida Orupabo. Elles peuvent devenir aussi désirables comme à travers le regard masculin de Pablo Picasso.

Pour cette exposition, une similitude s’est imposée. En effet, selon la légende, à l’origine, Porquerolles était une femme : une princesse métamorphosée en île pour échapper à un terrible assaillant. Sur cette île-femme, la commissaire britannique Alona Pardo interroge avec talent la représentation féminine

Le travail des artistes présentés offre des femmes tantôt aimantes ou démoniaques, tentatrices ou encore mythiques, loin des représentations féminines traditionnelles. Se réappropriant le désir et le pouvoir sexuel, elles se libèrent des conventions sociales de beauté et imposent même de nouveaux idéaux corporels, telle la guerrière trans pour Martine Guttierez. Quant au vitrail fantastique de Laure Prouvost, il met en scène une pieuvre alanguie qui exprime selon elle la métaphysique de l’existence planétaire, du toucher, de l’intimité et du savoir.

L’égyptienne Ghada Amer dissimule, dans des monceaux de fils colorés, des images et pauses érotiques de femmes dans des poses intimes enfouies dans une forêt ou un étang mythique de Claude Monet à qui l’artiste dédie ce titre Les Grands Nymphéas.

La peinture érotique Glitter Bra de Marlène Dumas évoque les nus célèbres de la peinture dans des poses alanguies. Mais la démarche de l’artiste d’Afrique du Sud est ambigüe, « …je peins des femmes pour les femmes ».

Les jardins de la villa Carmignac s’insèrent dans le parc national de Port-Cros, premier parc terrestre et marin d’Europe, classé espace remarquable. Au sein de ces forêts, vignes et oliviers, le musée de 2000m2 a été construit sur un corps de ferme visible dans le film Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard.

Au centre de l’architecture de ce bâtiment, métamorphosé par l’atelier Barani et l’agence GMMA, un exceptionnel plafond d’eau transparent éclaire les espaces immergés et la lumière zénithale en devient irréelle.

Une quinzaine d’œuvres ou d’installations pérennes, inspirées par l’esprit du lieu, sont aussi à découvrir dans les jardins de la Villa.

 

Infos pratiques :

The Infinite woman 

Villa Carmignac

Île de Porquerolles, Var

Jusqu’au 3 novembre 2024.