COALITION, 15 ans d’art et d’écologie.

Par Amélie Boulin22 mai 2024In Articles, 2024

 

 

 

Cet âge anniversaire est l’occasion d’un regard rétrospectif porté sur l’association COAL, créée en 2008 par Loïc Fel, Clément Willemin et Lauranne Germond, curatrice de l’exposition avec Sara Dufour. Une cinquantaine d’artistes y sont exposés, avec le point commun d’avoir échelonné pendant quinze années la création artistique en lien à l’écologie.

Si la thématique de l’art dans la transition écologique est le fer-de-lance de l’association COAL qui a été précurseur dans le domaine, il n’est pas chose aisée aujourd’hui d’en proposer une nouvelle exposition tant le sujet a été rebattu. Le spectateur accédera cependant ici à un nouveau point de vue en surplomb de la thématique, grâce à cette dimension historique et rétrospective de l’exposition. Celle-ci ne se prive pas cependant d’introduire des artistes plus émergents dont le regard neuf prolonge les œuvres phares des décennies précédentes.

A une première phase d’introduction, sur fond sonore du long-métrage de science-fiction Soleil Vert de Richard Fleischer, se cristallise une brève contextualisation par l’image forte d’une œuvre de Thierry Boutonnier : une massive roue de tracteur est posée sur une urne remplie de bulletins de vote, ensemencés aux noms des sites naturels. La germination supposée des graines laisse entendre une libération à venir, mais à quand l’éclosion surpuissante ?

La série des Procession banners 1918-2018, aux garnitures et aux couleurs flamboyantes de Lucy+Jorge Orta semble l’annoncer prochainement. Réalisée en 2018 pour commémorer les cent ans du droit de vote des femmes en Angleterre, sa relecture dans notre contexte sonne comme un appel aux armes en faveur des réprimés et fait écho à la combinaison Eco-combattant forestier de Art Orienté Objet, adaptée aux besoins des militants écologistes pour une résistance active.

La lutte de ces quinze dernières années débute ici par un Manifeste, format d’une longue tradition des avant-garde, qui a pour objet le photosynthétisme salvateur. Michael Wang, avec cette reprise du Manifeste du Futurisme, proclame un contrepoint complet sur toute la production et la gestion du carbone. Cette profession de foi se réalise dans la cabane de Sara Favriau. Cet habitat a une consonance rudimentaire mais parce que justement précaire, il est propice à une plus grande liberté d’investissement, hébergeant ici les œuvres de différents artistes au sein de ses barreaux de bois. On y retrouve, entre autres, un tapis de Louis Guillaume en bourre de peuplier, récoltée et amalgamée par l’artiste suivant un procédé artisanal qui sous-tend l’idée d’un autre savoir-faire possible. Le duo Ackroyd & Harvey réinvestit, pour sa part, la démarche de Joseph Beuys en récupérant et semant les glands issus des 7000 chênes plantés par l’artiste en 1982 à Cassel. La propagation intervient ici comme une forme de résistance passive et latente, nourrie des larmes de Beya Gille Gacha dont les Sources, suspension de visages en résine de pin d’où s’écoulent des perles bleues, arrosent la terre avec laquelle nous avons perdu l’union ancestrale. L’artiste Angelika Markul donne d’ailleurs à ressentir la désagrégation d’un glacier dont il semble que les vestiges, statuettes épaisses, nous regardent depuis leurs promontoires du haut des murs.

Les artistes déploient ainsi tout un répertoire pour rendre le rapport de l’humanité à l’environnement. Si l’angoisse prédomine, on note toutefois une certaine ironie persistante, notamment chez le groupe Hypercomf dont le court-métrage Fish kissed met en scène une femme, un poulpe et un oursin autour des mythes et cultures dédiés à la mer. Dans le même registre, le Nouveau Ministère de l’Agriculture entaille, avec cynisme, la façade des actions dites environnementales dans la série d’aquarelle sur papier intitulée Les planteurs, où les personnages politiques se succèdent dans la plantation d’arbres à vocation emblématique mais surtout marketing, ou encore dans la monumentale peau de vache L’aventure du vivant : géo-ingénierie vertequi regroupe les pratiques plus ou moins dangereuses de manipulation du climat.

Dans une volonté de résilience, et à rebours de ces pratiques expérimentales à haut risque, Marie Velardi propose une Salle de Décélération, où l’aiguille de l’horloge exposée scande la temporalité lunaire et effectue le tour du cadran en 29,5 jours, les différentes phases lunaires esquissées au pastel blanc entourant l’installation. Ce renouvellement d’attache à une temporalité naturelle s’accorde avec celle d’un retour aux croyances et récits de tradition, audibles pour celui qui se glissera sous la grande calebasse de Shivay La Multiple intitulée À la recherche du fruit ligneux : ciel qui parle. Enfin, les nichoirs d’oiseaux en céramique émaillée des artistes Feipel et Bechameil offrent, quant à eux, un nouvel espace refuge en réinvestissant des figures anthropiques, destinées cette fois non pas à renier le vivant mais à l’abriter.