Pauline Lucas - À la recherche de l'Absolu
Le travail de Pauline Lucas se distingue par un jeu harmonieux composé de qualité technique, esthétique et sensorielle. En fusionnant ces trois éléments dans chaque création, elle transcende le statut d’artiste pour devenir une passeuse d’émotions et de questionnements. Son habileté à susciter des sensations sans nécessiter d’explications confère à son œuvre une beauté rare, résultat d’une technique précise et minutieuse.
L’artiste se consacre à la sculpture et à la peinture, explorant principalement des représentations de corps humains et animaux auxquels sont intégrés des motifs végétaux. Bien que les figures puissent initialement évoquer la souffrance, elles se transforment en une quiétude sereine et apaisante. Réalisées en ronde-bosse, ses sculptures explorent divers matériaux tels que plâtre, bois, cire et cendres, tandis que sa peinture à l’huile et à la tempera utilise des pigments naturels. Son choix délibéré de travailler exclusivement avec des matériaux naturels vise à exprimer des expériences intimes.
Pour Pauline Lucas, la création artistique est « un acte mystique, une ouverture aux plus grands mystères de l’univers » suscitant un éveil à la fois esthétique, philosophique et spirituel. En contemplant ses œuvres, nous avons accès à son cheminement personnel, invitation subtile à développer notre propre compréhension du monde.
C’était il y a 17 ans, lorsqu’elle était encore une enfant, que son parcours personnel a débuté par l’expérience d’une connexion totale avec la nature qu’elle décrit dans son mémoire à l’occasion de son diplôme aux Arts Décoratifs de Paris.
Elle se trouvait dans la forêt de Noirmont, dans le Jura. Attirée par un grondement lointain, elle a marché à l’ombre des sapins jusqu’à atteindre le Doubs. Parvenue à cette percée dans la forêt, créée par la rivière et laissant passer la lumière, elle a alors éprouvé une sensation d’une conscience accrue de l’espace et un sentiment aigu d’appartenir au monde, confie-t-elle : « Je sentais la vie couler, je sentais la mort se répandre. Avec le recul, je me rends compte que ce moment fut pour moi une expérience mystique, un éveil qui continue de résonner aujourd’hui. »
C’est ce moment suspendu qui a forgé sa quête de l’Absolu en tant qu’être humain et artiste. Elle considère l’art comme « un chemin conduisant à un lieu où tout peut être compris et vécu ». La forêt de Noirmont, « lieu viscéral de l’existence », a été pour elle l’endroit d’une révélation de l’Absolu, se manifestant telle une dissolution de soi-même pour fusionner avec le tout : « être tout dans tout ». Elle y a ressenti le « pouvoir-mourir », plongeant dans une réalité où les frontières entre la vie et la mort se brouillent. Étant donné que cette sensation du tout est éphémère, la quête de l’Absolu est donc devenue pour l’artiste une nécessité. Nécessité compréhensible par tous ceux voulant tout comprendre. Aussi, atteindre définitivement l’Absolu impliquerait une perte de soi, une véritable mort.
Dans son travail, l’artiste explore notamment la symbolique des oiseaux, auxquels est attribué un rôle psychopompe : guides des âmes dans de nombreuses mythologies, assurant le passage des morts vers l’au-delà. En tant que « conducteurs d’âmes », ils incarnent le lien entre la vie et la mort, jouant un rôle de transition. Ainsi, les oiseaux deviennent les symboles messagers de l’artiste, faisant écho à sa quête personnelle.
Au sein de l’exposition collective intitulée La mort en ce jardin, sous le commissariat de Marie Gayet et Laure Boucomont, les œuvres de Pauline Lucas se révèlent en parfaite correspondance avec la thématique explorée qui interroge la mort comme continuité, suite de la vie et retour sur soi.
Romane Philip
La mort en ce jardin
Association Fertile
Du 14 mars au 6 avril 2024
11 rue Pierre Sarrazin, Paris 6e