Nefeli Papadimouli
Née en 1988 à Athènes, diplômée de l’École d’Architecture de l’Université d’Athènes et de l’ENSBA Paris. Elle vit à Paris et travaille à la résidence ARTAGON Pantin.
Cinq masques se reflètent dans les miroirs des coulisses de l’ancien studio photo. Instinctivement la main se tend, saisit l’objet. Superposition des visages dans la glace. L’identité d’un étranger est usurpée le temps d’un essayage. Les œuvres manipulables de Nefeli Papadimouli nous confrontent alors à ce que nous cachons derrière ces doubles, nous révèlent notre propre performativité sociale. Notre reflet, cette interface de notre contact à l’Autre, disparaît. L’artiste semble taquiner le « stade du miroir » de Jacques Lacan[1], où d’une perception d’un soi-fragmenté émerge la prise de conscience d’être entier. L’artiste invite dans cette nouvelle création, conçue pour pARTages, à une forme de participation individuelle, qui tranche avec les performances collectives que l’artiste chorégraphie généralement.
Dans celles-ci, Papadimouli convie à faire corps, à constituer collectivement des « paysages relationnels ». Cette structuration spatiale – à travers laquelle on décèle sa formation en architecture – peut se retrouver de manière statique. Parfois la mouvance provient du public. Elle implique une déambulation entre des éventails, tels ceux exposés dans Milieu Mouvant, à Pal Project (2021), peu après un confinement pandémique, où partition et partage de l’espace public hantaient. Les sculptures prennent vie, entament une danse empruntée aux derviches tourneurs. L’artiste, tel un métronome, guide les pulsions, tout en performant chacune de ses pièces. L’exploration du mouvement impulse sa pratique. C’est d’ailleurs « un laboratoire de recherche en mouvement » qu’elle souhaite former : souder le collaboratif en une troupe de performance itinérante et approfondir ainsi le corps comme outil d’expression.
Des bras s’étirent d’une toile de canevas écru, ils semblent inviter à l’étreinte. Détail de l’œuvre Skinscapes(oracle and warrior) de 2021. Cette sculpture se revêt, se meut en costume pour exacerber, par l’absence de toucher au corps à corps, la résistance au contact avec l’autre. Presque démonstratif d’un « antagonisme relationnel »[2], l’œuvre invite à le dépasser et insiste sur l’interdépendance sociale. Poches et costumes, confectionnés à plusieurs mains, font aussi leur apparition dans la vidéo Être forêts (2021). Ce médium qu’elle vise à approfondir, en débutant son parcours au Fresnoy, lui permet d’insérer ces performances sociales dans les lieux de vie.
[1] Jacques Lacan, « Le Stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », Revue Française de Psychanalyse 13, no.4 (1949)
[2] Claire Bishop, « Antagonism and Relational Aesthetics », OCTOBER 110 (2004): pp. 51–79. Texte publié en réponse à Esthétique relationnelle (1998) de Nicolas Bourriaud