JEROME GRIVEL - Passages interconnectés
Comment exprimer les usages des espaces de vie ?
Le minimalisme augmenté de Jérôme Grivel s’exerce dans une vaste palette multidisciplinaire et multi sensorielle sur les limites du corps à l’égard de l’expérience du réel. En travaillant sur le point de rupture d’un individu à partir duquel tout bascule d’un état à l’autre, il est l’artiste des transitions individuelles et collectives.
Jérôme Grivel vient d’exposer ses dernières œuvres picturales à la galerie Éric Mouchet au sein de l’exposition collective Our colorful ways. Parmi celles-ci, il fallait impérativement voir sa fascinante fresque murale Neuf passages interconnectés pour un mouvement révolutionnaire, (proposition d’aménagement pour un bâtiment institutionnel).
La relation à l’espace proposée par l’artiste se situe résolument dans le courant artistique minimaliste en optant pour des formes dépouillées dans l’esprit de ses plus grands représentants, tels que Sol LeWitt ou Frank Stella, et puisant une part de son inspiration dans le Bauhaus autour de l’architecte Mies Van der Rohe. Cette édition 2021 peut être qualifiée de « minimalisme augmenté » car elle ose les couleurs et met en avant l’illusion des volumes pour mieux les maîtriser. A la suite de la série précédente des Structures déambulatoires, les Passages interconnectés renouvellent la volonté d’induire un déplacement chez le spectateur qui les expérimente à priori de manière contrôlée et coercitive. Il s’agit d’offrir une succession de points de vue sur ce qui l’entoure. Les volumes colorés, cette fois habilement ouverts, profilent alors avec espoir les perspectives de sortie de l’enfermement dans lequel la crise sanitaire nous a plongés. Les transitions collectives à l’œuvre dans le monde de l’immobilier portent sur les nouveaux usages des espaces de vie et appellent à sonder « l’expérience usager ». L’économie de l’expérience client pousse à une « artialisation » du consommateur et fait de lui un artiste en puissance.
La série d’œuvres en question permet de s’interroger en profondeur sur les impacts émotionnels et cognitifs de la manière d’organiser les espaces à vivre. Elle libère notre cerveau de la domination de la réalité et permet l’exploration de territoires encore inconnus de notre conscience.
C’est bien la raison pour laquelle Jérôme Grivel aborde ces questions par d’autres mediums avec encore plus de pertinence : installations de matériaux qui s’effondrent, improvisation architecturale, performances chorégraphiques d’études de chute (2017), Modèles à conversation, sculptures manipulables activées lors des performances Les Activités d’atelier conçues avec le chorégraphe Michaël Allibert, MAMAC de Nice, (2021), vidéos et cycles de performances sonores d’exploration des limites du cri humain entendu comme une expression primale face au vide et à l’espace (jusqu’à épuisement ) au 10e Prix Sciences Po d’art contemporain et au Palais de Tokyo, Paris (2019) et au Museum of impossible forms, Helsinki (2021).
Si Malraux a pu écrire « l’homme ne se construit qu’en poursuivant ce qui le dépasse » (L’Express du 21 mai 1955), il faut désormais ajouter « qu’il ne pourra construire son cadre de vie qu’en surpassant ce qui le poursuit ».
Lancement du livre d’artiste Projet Jouir – Carnet de recherche 2015-2020 aux L’L Éditions le 13 décembre 2021 à Bruxelles
Edition numérique d’une pièce sonore aux Édition Jou/ Collection Tiramizu en Janvier 2022