Félix Pinquier : l’inconscient technologique
Relier l’organique au mécanique et en faire un objet artistique. Dans son exposition personnelle Futurologies au Centre d’Art Contemporain de Noisy-le-Sec, Félix Pinquier montre le spectre de ses recherches.
Au premier abord, ses installations imposantes par leur taille, captent l’attention. Il s’agit de grands assemblages, composés de répliques artistiques de pièces industrielles suggérant des formes organiques, comme ces cornets de trompette ou ces haut-parleurs qui font penser à des oreilles stylisées. Malgré la froideur de leurs géométries et de leurs matériaux, parfois accentuée par les couleurs industrielles qui les recouvrent, ils provoquent un étrange sentiment fusionnel. Nous sommes pourtant bien loin des compositions « bio-mécaniques » empathiques d’un HR Giger (qui mélange savamment des figurations de structures mécaniques et de tissus musculaires) : mécaniques de part en part, ils n’inspirent l’idée d’organique que de façon abstraite.
Un paradoxe qui semble imputable aux formes actuelles de notre perception, lesquelles nous inclinent à projeter à notre insu, dans les entrailles du vivant, une grille de lecture mécaniste. Descartes identifiait déjà spontanément les corps vivants aux machines ; aussi assimilait-il nos poumons à des soufflets et nos cœurs à des pompes.
Cette assimilation du vivant à la machine hante encore l’imaginaire collectif. Accoutumés dès l’enfance à une lecture mécaniste du réel, nous identifions instantanément dans certaines installations de Félix Pinquier des hélices à des corolles de fleurs et des tuyaux à leurs tiges. Ces perceptions instantanées sont pourtant aussi captieuses que celle par laquelle Descartes reconnaît avoir été berné : voyant défiler sous sa fenêtre, située en étage, des manteaux et des chapeaux, il s’était imaginé voir réellement des hommes sans se rendre immédiatement compte que c’était le jugement fulgurant porté sur leurs accoutrements qui lui avait indiqué leur invisible présence (Méditations métaphysiques, 1641).
Sous l’irrépressible poussée de notre inconscient, nous projetons des images d’artefacts usinés au cœur même des organismes vivants. Cela expliquerait ce curieux sentiment d’empathie que nous éprouvons devant les pièces de Félix Pinquier. Car elles nous révèlent l’essence des êtres vivants, exactement telle que nous la ressentons.
Ce n’est pourtant qu’un petit nombre de ces artefacts qui constitue l’ensemble des formes « a priori » de notre perception de l’organique. Félix les inventorie et les présente comme des échantillons d’archive, côte à côte sur des plateformes, exposant ainsi aux regards l’alphabet inconscient de nos lectures anatomiques. Puis, à la manière de premiers biologistes, il les dessine à la main sur des planches épurées. Il révèle ainsi le puissant amour inconscient qui nous lie aux techniques industrielles et qui contredit jusqu’à l’absurde notre conscience écologique actuelle, si technophobe dans ses orientations.
Informations pratiques:
Futurologies, Felix Pinquier
Jusqu’au 12 décembre
Commissaire : Marc Bembekoff
La Galerie, Centre d’Art Contemporain de Noisy-le-Sec
1 rue Jean-Jaurès, Noisy-le-Sec