Je suis l’archive

Par Alice Truc16 novembre 2020In Articles, Expositions, 2020, Revue #25

 

Invitée dans le cadre de la bourse ADAGP-Villa Vassilieff à explorer les archives du photographe Marc Vaux, Euridice Zaituna Kala nous questionne : comment « danser avec les archives », avec des histoires intimes et politiques qui au lieu de nous raconter, contournent, détournent et relèguent au hors-champ des récits, des corps, des vies qui nous ressemblent ?

Acquis par le Centre Pompidou en 1971, le fonds Marc Vaux témoigne de la vie artistique parisienne de la première moitié du vingtième siècle. L’artiste mozambicaine, qui réside à Paris et a été formée à la photographie, interroge par ses pratiques d’installations, d’édition et de performances, la multiplicité de nos histoires culturelles.

Les œuvres qui résultent de leur rencontre, produites in situ pour l’exposition Je suis l’archive, « bouleversent tout le silence à vivre » (extrait du poème d’Andrée Chedid) de milliers de négatifs sur plaques de verre, au cœur du récit moderniste officiel de l’art occidental comme de ses incomplétudes.

Dans un enregistrement sonore poétique qui guide les visiteurs à travers les salles, l’artiste interroge la violence des absences et des présences fantasmées dans le fond d’une foule de personnages, « fantômes d’un autre monde » échappés à la masse des données numérisées. L’écrivain américain James Baldwin, le photographe mozambicain Ricardo Rangel et Josephine Baker mêlent leurs voix à la sienne. Ils dialoguent dans plusieurs installations avec ses propres images, collectées au fil de son histoire personnelle, familiale ou intellectuelle.

L’artiste rappelle ainsi les archives à leurs sensibilités originelles, à leurs subjectivités personnelles. Dans la tradition d’accueil et de convivialité de la Villa Vassilieff, elle nous invite à nous saisir à notre tour des fragments d’intime que ses œuvres nous livrent. Elle nous propose de prendre le temps, installés dans les coussins de Carla Magnier, de mieux écouter pour mieux voir. Elle nous renvoie en même temps à nos propres mirages, reflets des visiteurs et de leurs projections, saisis par un miroir évoquant les traits du visage de la modèle noire Aïcha Goblet.

À la lueur des néons roses, Euridice Zaituna Kala nous offre ainsi des jeux de glace, des silhouettes de verre transparentes et aériennes, des matériaux précaires, et documente ainsi la fragilité de nos représentations collectives.

 


Informations pratiques:

Je suis l’archive, Euridice Zaituna Kala

Jusqu’ au 19.12.2020

Villa Vassilieff

21 avenue du Maine, Paris 15e