« Je suis ORLAN entre autres, et dans la mesure du possible. Il y a plein d’autres possibles. On peut toujours s’appeler autrement. Je suis pour les identités nomades, mouvantes, mutantes. Comme les corps. »

« Mon corps est devenu un lieu de débat public qui pose les questions crucuiales de notre temps »

Tout est dit, et tout est à faire.

Depuis toujours, ORLAN intervient par des actions, des corps-sculptures.

Elle nous rappelle que c’est avec notre corps que nous habitons le monde. Un monde à sa mesure. Et qu’elle mesure avec son corps.

En 1968, elle brode sur les draps de son trousseau les taches de sperme de ses amants, mais avec du gros coton noir et un bandeau sur les yeux. Elle revendique ainsi le plaisir charnel, et un art sale, mal fait, ce qui, à l’époque, n’était pas évident.

Pour la 4^ème édition de la FIAC, elle s’installe à l’entrée avec Le Baiser de l’Artiste : pour 5 francs, le visiteur a le choix entre recevoir un vrai baiser, avec la langue, et mettre un cierge à Sainte ORLAN.

Elle s’intéresse au baroque, se photographie en Sainte Thérèse, extatique et érotique, avec un sein dénudé, pour interroger le statut du corps dans notre société,  et travaille souvent l’iconographie chrétienne pour mieux en dénoncer les méfaits.

Son travail est un plaidoyer contre les stéréotypes délétères de femmes sans chair des magazines, et pour la liberté d’avoir un corps singulier.

Pour affirmer son féminisme, elle peint en 1989 « L’origine de la guerre », pendant masculin de « L’origine du monde » de Courbet.

En 1992, elle décrète le manifeste de l’art charnel où le corps devient un “ready-made modifié” qui suscite la parole et le questionnement. Elle utilise la chirurgie esthétique pour clamer son opposition aux diktats imposés aux corps féminins, et son souci de singularité : elle s’est fait poser des bosses sur le front comme un organe de séduction. Mais surtout pour poser la question des implants, greffes, prothèses, ou : comment vivre dans un corps qui n’est pas entièrement le nôtre ? dans un corps mutant, post-humain ?

A partir de 1998, elle fait un tour du monde des standards de beauté, insère à ses photos une iconographie non occidentale : ce sont les Self-hybridations. Se joue ici la question de la beauté, formatée par la société, pour dire que toute pression sur le corps est aussi contrainte sur l’esprit. C’est dans les deux domaines qu’il nous faut résister.

Elle continue à explorer ces thèmes, choisisant les matières en fonction de l’idée de départ : photographie, marbre, électronique, installation, action, stylisme, design, son travail est multiple. Au confluent des sciences, de l’art, de la psychanalyse, de l’anthropologie, elle déploie avec humour la diffculté de vivre les mutations actuelles. Elle se veut là, ici et maintenant, en éveil, en phase avec son temps.

Et quand J.J. Aillagon la fait chevalière des arts et des lettres, elle lui offre en retour un reliquaire contenant une parcelle de sa chair. Les décorations ne la font pas taire.

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