A VOIX HAUTE, ENTRETIEN AVEC LA COMMISSAIRE
A l’invitation de Maud Cosson, directrice de la Graineterie, Ninon Duhamel propose une exposition collective autour de la voix et du langage comme points de convergence entre de multiples champs de création et de réflexion sociologique et culturelle.
Point de départ de l’exposition
Le déclencheur a été ma découverte à Arles de la photographe iranienne Newsha Tavakolian, grand reporter, et ses portraits de solistes iraniennes qui miment l’acte de chanter. En Iran, les femmes n’ont plus le droit de chanter ni de se produire seules sur scène depuis la Révolution islamique. J’ai saisi alors que censurer la voix d’une chanteuse, c’est aussi censurer sa place dans la société en tant qu’individu.
Déroulé du parcours
Cette œuvre, placée en introduction de l’exposition dans l’espace du rez-de-chaussée de la Graineterie, prend différentes formes, à la fois des portraits photographiques de ces chanteuses, une bande vidéo et aussi des photos pour des pochettes d’albums non réalisés dont l’une est exposée dans la vitrine, symbole d’un espoir de changement. Dans l’espace de la verrière, noyau central, toute une zone est dédiée à la transmission de la voix par un autre medium que sonore ou vocal à travers des dessins, peintures, des partitions, des vidéos et écritures phonétiques ou linguistiques, avec les œuvres de Violaine Lochu, Camille Llobet et Christine Sun Kim. Cette dernière, sourde de naissance, utilise les systèmes de notation musicale pour décrire comment elle perçoit le son, et parler de sa propre voix, qu’elle sonorise grâce à ses interprètes.
Sur le quai est proposée l’installation visuelle et sonore du collectif « l’Encyclopédie de la parole » qui explore et collecte l’oralité sous toutes ses formes depuis 2007.
Dans les écuries, l’installation de Katia Kameli intitulée « Ya Rayi » témoigne de l’évolution du raï, musique populaire algérienne, à travers le périple d’un personnage qui déambule entre Oran et Paris, son walkman vissé sur la tête passant en boucle des chansons de raï sur K7.
Dans un espace de projection adjacent, nous montrons un film de Steffani Jemison, artiste américaine qui travaille notamment sur la culture afro-américaine, ici à travers le Gospel Mime, forme récente d’interprétation du gospel dans l’église, reprenant les codes de la pantomime traditionnelle.
À l’étage, la vidéo de Myriam Van Imschoot, artiste et performeuse belge, se penche sur les « voix cassées » et notamment sur celle d’une chanteuse de Yodle née en Allemagne de l’Est.
Dans le grenier nous présentons « Disputed Utterance » de Lawrence Abu Hamban. Cette oeuvre se fonde sur la « palathographie », procédé utilisé en linguistique pour identifier les parties de la bouche utilisées pour produire des sons. Ici l’artiste utilise ces images d’empreintes pour raconter une série de cas juridiques, dont l’issue repose sur l’interprétation d’une énonciation confuse. En réutilisant des cas actuels de litiges réels, l’artiste produit des narrations qui nous interpellent et nous invitent à considérer l’importance politique et juridique de la voix, de l’accent, et de la manière de parler.
Nous terminons avec la vidéo de l’artiste colombien Juan-Manuel Echavarria l’une des œuvres clés de ce projet qui montre sept chanteurs colombiens a capella face camera interprétant des chansons de leur invention pour dépasser des traumatismes vécus.
INFOS :
La Graineterie
centre d’art et pôle culturel de la ville de Houilles
27 rue Gabriel Péri, Houilles
du 25 janvier au 7 mars
13è Biennale de la jeune création
du 28 mars au 16 mai