Geneviève Favre Petroff

Vous êtes suisse, plasticienne, chanteuse et performeuse, vous vivez et travaillez à Paris. Vos performances articulent présence du corps, technologie et vos propres compositions chantées. Quelle place a la technologie dans votre travail ? Pour le spectateur, elle semble porter plus intensément la fantaisie de vos créations.

J’ai commencé la performance aux Beaux-Arts de Genève dans un Atelier de peinture, en m’accompagnant simplement de ma voix préenregistrée. Puis la technologie est arrivée par le biais des costumes. Elle est au cœur même de mon processus créatif. J’explore au maximum les possibilités des dispositifs techniques que je mets en place. Mais c’est surtout l’occasion d’un travail d’équipe avec des ingénieurs et d’autres partenaires que j’apprécie énormément.

En septembre dernier, invitée à Ramallah par le festival Les Instants vidéo poétiques et numériques de Marseille, en partenariat avec la Fondation Qattan qui co-organise la biennale d’art vidéo et de performance /si:n/, vous avez joué la performance Loukoum dans la rue au milieu des passants. Lorsqu’on vous voit sur la vidéo http://genevievefavre.com/news.html, en robe aux carrés lumineux perchée sur des talons hauts, l’effet est détonnant. Est-ce la première fois que vous la présentiez dans un pays arabe ?

 Oui, et c’était un défi d’aller présenter cette performance dans un pays arabe en 2019, d’autant plus en Palestine. Avec Loukoum, je cherche à rendre hommage aux beautés de la culture orientale, à ses valeurs, à son art, tout en évitant la question religieuse. Ma silhouette évoque la liberté et l’émancipation de la femme par la mode, mais aussi la conquête de l’espace, le divertissement, le disco, le jeu vidéo. J’y traite avec humour et ironie de la crise économique, du mariage, des réseaux sociaux, etc. Je mélange les codes culturels dans le but de questionner les mœurs contemporaines ici et là. Ma performance dans la rue de Ramallah, très animée le samedi soir, a été un réel événement public. Elle a suscité de vives réactions, parfois opposées, mais sans aucune agressivité. Ma mission qui était peut-être d’apporter un moment de joie, de divertir, de bousculer et faire réfléchir aussi… était remplie.

Finalement, votre travail est plus engagé ou militant qu’il n’y paraît.

Le simple fait de prendre la parole dans l’espace public est politique. J’ai beaucoup thématisé la place de l’orateur, de l’animateur ou de l’agitateur dans mes projets. Je me suis souvent mise en scène dans des figures du pouvoir. Mais avant tout, j’ai besoin d’intérioriser les notions que je veux explorer, je dois les ressentir avec mes tripes, pour ensuite les partager avec le public.

Par exemple, Multiple Choice, créée pour ArtStadtBern en mai 2019, illustre assez bien mon désarroi sur l’état du monde, notamment envers le climat. Un buste moulé, à trois bras, sans tête, habillé d’un sweat blanc comme neige, surplombe la vieille ville de Berne depuis une terrasse avec une vue vertigineuse sur les toits et les Alpes au loin. L’œuvre silencieuse invite à la méditation, à la prise de décisions avec le cœur et le ventre.

Prochainement, dans le cadre du Printemps des poètes, vous allez présenter une performance intitulée Money Moon avec Pascale Evrard, poétesse-graphiste et musicienne, avec qui vous composez le duo PaGe. Vous y chanterez la lune et l’argent?

Exactement ! Pa à la guitare électrique et Ge au clavier, nous croisons nos deux univers et nos deux écritures pour emmener le spectateur dans un périple héroïque sur « la pile ou face cachée » du numérique. Une Space Oddity avec deux femmes qui louent la lune !

 


Info: 

Money Moon

Cabaret de la performance

52, rue Pigalle, Paris 9è

le 9 mars 2020