A l'école des sorcières
A l'école des sorcières
Issue à la fois des pages noires de l’Histoire et des histoires de notre enfance, la figure de la sorcière pointe de-ci de-là dans l’histoire de l’art, et nous est redonnée aujourd’hui dans cette exposition au CAC La Traverse.
Le côté sombre de la féminité, fantasmé par les hommes, situé du côté du mal et de la mort, revient en force dans notre monde trop rationnel et trop matérialiste. Si beaucoup de choses échappent encore à la science, certains remplissent ces « terrae incognitae » par l’imagination et la fiction. Le monde de la sorcellerie est un monde parallèle, transgressif, qui a de tout temps existé, et qui se modifie au gré des avancées des découvertes scientifiques. Ainsi, les potions « magiques » sont-elles maintenant étudiées en vue d’en faire des médicaments.
Si cette figure resurgit aujourd’hui, c’est que les sorciers et sorcières sont du côté de la nature, et que la nature reprend sa place, une place que l’Homme avait oubliée être primordiale. Nous savons maintenant qu’elle nous survivra, et que nous avons intérêt à la ménager ! Reconnaissons donc ceux qui vivent avec et par elle, ceux qui en sont les médiateurs.
« L’exposition White blood, blue night est envisagée comme un cercle magique, un cercle mental à l’intérieur duquel sont présentées les œuvres d’artistes dont les histoires, les expériences et les luttes propagent une multiplicité d’énergies. »*
Et c’est bien une formidable énergie créatrice qui s’exprime dans cette exposition, où les détournements sont légion.
Ainsi Floryan Varennes, dont nous avions vu lors de la Biennale de la Jeune Création de Houilles en 2016 les « Hiérarques » (cols de vestes d’hommes démesurées) et « Mythopoeïa » (chemises noires couvertes d’épingles), comme des poupées magiques. Il nous présente ici de nouvelles reliques de notre société.
Ou encore Skall, dont les totems grandement baroques peuvent faire penser à des objets de cultes plus ou moins sataniques.
Myriam Mechita, quant à elle, dessine des personnages borderline, aux extensions intrigantes… qui la relient au spirituel ?
Lydie Jean-dit-Pannel prend fait et cause pour tous les King Kong qu’elle fait défiler poing en l’air « (80 selon les organisateurs, 3 selon la police) », réclamant « absurdement avec rage et passion » que les politiques prennent enfin au sérieux le marasme dans lequel se trouve la planète.
Citons encore, parmi les 18 artistes présents, Sarah Trouche, qui met à jour des traumatismes de nos sociétés. Elle présente une vidéo dans laquelle des femmes, en bord de mer, tirent des cordes… images du poids terrible de la douleur de ces mères qui voient, impuissantes, leurs enfants partir en Syrie.
La commissaire a choisi des œuvres singulières, où le corps est souvent présent, et qui nous entraînent aux limites de la rationnalité.
Qui sont, où sont les sorcières d’aujourd’hui ? Parmi les artistes, peut-être !
* Julie Crenn, commissaire de l’exposition
Par Dominique Chauchat
Infos :
White blood, blue night
CAC La Traverse
9 rue Traversière, Alfortville
du 18 janvier au 3 mars 2018