Neil Beloufa : "L'ennemi de mon ennemi"

Qui est l’ennemi de mon ennemi ? Vient-il de l’intérieur ou de l’extérieur ?  Se cache-t-il derrière des messages globalisés, a priori anodins, fondés sur nos actes de communication et d’achat, décryptés en permanence par les géants du web, ces fameux GAFA (Google, amazon..) Qu’en est-il de notre liberté individuelle ? Autant d’enjeux qui traversent la pratique de Neil Beloufa.

L’artiste, trentenaire franco-algérien adoubé du système (prix Marcel Duchamp, fondation Ricard, Audi Awards), exposé de Téhéran à Venise, ou New York, ne cesse dans de savants dispositifs hypnotiques, de dénoncer les dérives et le chaos de nos turpitudes contemporaines. 

Dans « développement durable » pour le MRAC à Sérignan, il était question des dérives de la consommation à partir de pulsions scopiques issues d’environnements organiques mêlant rebuts, machines, artefacts et effets de transparence. Une métaphore pour dire la puissance du message capitaliste qui se cache derrière une esthétique uniformisée et séduisante.

Pour le Palais de Tokyo où il avait déjà exposé en 2012, il s’agit, de décoder les représentations du pouvoir à l’œuvre, et leur perpétuelle contradiction. Ainsi tout devient interchangeable, et les mêmes codes peuvent être utilisés par des puissances ennemies, comme l’explique Guillaume Désanges, le commissaire de l’exposition.

Dès lors, quelle est la place de l’artiste dans ce jeu de dupes ? quelle autonomie peut-il garder face à l’institution et au marché ?

Autant de situations paradoxales mises en avant à partir de faits, archives, images existantes qu’il traduit par des agencements posés sur présentoirs, attendant que des robots comme ceux utilisés pour les achats en ligne, les déplacent, opérant une métaphore de l’interchangeabilité du discours. 

Comment représenter la mémoire ? Les slogans de l’armée ne sont-ils pas les mêmes que ceux de grandes marques sportives ? Capitalistes et non capitalistes n’utilisent-ils pas les mêmes stratégies au service de mêmes idéologies ?

Cette confusion du discours et des rôles s’appuie sur des décors en volume composites provocant une instabilité dans la perception du spectateur.

A partir également d’installations existantes, d’œuvres d’artistes invités dans lesquels se retrouve Neil Beloufa, et d’objets réels empruntés comme pièces a conviction (musée de l’armée à Paris, Army museum de Londres), l’artiste souhaite livrer ses sources d’inspiration et questionnements éthiques et politiques.

Identités poreuses, rôles fluctuants, fragmentation des récits, sont autant d’affabulations possibles servies par les artifices de la caméra ou de l’architecture des images rapportées.