Agnès Geoffray, de la tension dans les yeux

Un cerf en plein saut, une photo en noir et blanc, floue. Des arbres dans le vent, une femme dans un champ, tout son corps poussé par le vent, jusqu’à ses cheveux, encore plus échevelés. Des images comme venues d’un autre temps… L’univers d’Agnès Geoffray est si plein de troubles et de tension, qu’il semble que tout peut disparaître dans un clignement de paupière. Ou surgir. Dans tous les cas, passer d’un état à un autre, sous tendu par une forte dimension dramatique. 

L’exposition au CPIF Before the eye lid’s laid est la première rétrospective d’Agnès Geoffray. Elle a été pensée et articulée autour d’inserts critiques de J.Emil Sennewald, lauréat du prix AICA* 2016 pour son un texte sur l’artiste.Elle comporte plusieurs séries déjà montrées, des projections diapositives, et deux travaux inédits : le premier, Fables untold sur la dissimulation et le caché à partir d’une recherche de documents présentés sous vitrine, et le second inspiré de la figure de Claude Cahun, avec notamment des textes imprimés sur papier de soie. À la croisée de la photographie, de la sculpture et des installations, Agnès Geoffray sonde, élabore et réactive les textes et les images. Par le biais de mises en scène, de réappropriations ou d’associations, elle révèle un univers de tensions – latentes et mystérieuses. S’élaborant souvent au départ de sources d’archives, ses propositions résultent d’un processus de reconstruction fictionnalisée et interrogent l’idée de réminiscence. Elle rejoue et réinvente les textes et les images qui nous environnent quotidiennement, glanés au hasard d’un livre, d’internet ou d’archives diverses, invitant le spectateur à reconsidérer sa mémoire. En démultipliant les référents, les niveaux de lectures et les genres, ses images s’appréhendent à la fois physiquement et mentalement. D’une manière très frontale tout en étant dans la distance, il y est toujours question de regard,de point de vue, d’interprétation et de sensation. En prolongement de la citation de Rilke** « Quelquefois seulement le rideau des pupilles sans bruit se pose. Alors une image y pénètre … », il est des clignements de paupières qui font durer longtemps la vision, la gardent au creux, très profond, de l’oeil.

* AICA (Association Internationale des critiques d’art)

**D’après Rainer Maria Rilke, « La panthère » [1902], trad. Claude Vigée, in : Le Vent du retour, Paris, Arfuyen, 2005

 

Par Marie Gayet


Infos :

Before the eye lid’s laid

Centre photographique d’Ile de France

Cour de la Ferme briarde,

107 av. de la République, Pontault-Combault

du 8 octobre au 23 décembre